L'envie d'écrire sur ce sujet fait suite à un évènement particulier qui a eu lieu près de chez moi. Une AAPPMA locale, dans un but de rassemblement et de cohabitation entre l'ancienne et la nouvelle génération de pêcheurs, a eu l'idée tout à fait louable d'organiser sur un plan d'eau, un petit concours de pêche des carnassiers en No Kill ouvert aux leurres et à la pêche au vif. Si nous passons outre le débat concernant la possibilité de pêcher au vif en No Kill - celle-ci est effectivement techniquement impossible puisque son existence est conditionnée par le sacrifice d'un poisson utilisé en appât - cette démarche honorable allait rapidement montrer ses limites à la lecture du règlement intérieur de ce concours. En effet, il était stipulé que les poissons capturés devaient obligatoirement retrouver leur élément quand bien même le montage au vif avait été engamé. Il suffisait alors de couper le bas de ligne avant de remettre son poisson à l'eau. Nous nous trouvons alors précisément dans le cadre très limité du concept de No Kill.
L'article qui va suivre a pour seule vocation d'informer et de donner des conseils sur les bonnes pratiques. Il n'a aucune portée moralisatrice, chaque pêcheur étant libre d'agir comme il l'entend, en son âme et conscience. D'autre part, cet article ne sous-entend en rien qu'il devrait être interdit de prélever ou de pratiquer la pêche au vif (il existe des montages à ferrage immédiat par exemple) car là n'est pas le sujet. Entrons maintenant dans le sujet justement.
Le No Kill
Le No Kill nous vient d'Angleterre et est arrivé en France par l'intermédiaire des carpistes.
No Kill signifie littéralement, en anglais, « ne pas tuer ». Le fait de « ne pas tuer » n'est pas seulement une conduite que s'imposent certains pêcheurs français puisque puisqu'il s'agit également d'une disposition réglementaire qui leur est imposée via notamment des tailles limites de capture, des parcours « No Kill », des règlements de concours, etc.
Le « No Kill » côtoie depuis bien longtemps les pêcheurs qui prélèvent à outrance sans que le pêcheur qui le pratique ne puisse donc se prévaloir d'appartenir à un mouvement particulier.
Le Catch and Release
Le Catch and Release trouve pour sa part ses origines aux États-Unis et, tout comme le No Kill anglais, a une origine strictement réglementaire.
"Aucun poisson n'a été tué ou blessé lors de la réalisation du film. Les producteurs voudraient souligner que, bien que les Mc Leans aient conservé leurs prises comme cela était courant au début du siècle, les pêcheurs éclairés défendent de nos jours une politique de "catch and release" pour garantir à cette ressource inestimable de nager librement afin de combattre un autre jour. Bonne pêche."
A son arrivée en France, le Catch and Release a en quelque sorte été conceptualisé par une certaine frange des pêcheurs français qui en ont fait un réel état d'esprit et n'a jamais été l'expression d'une réglementation. C'est là la différence avec le No Kill.
Le No Kill, qui signifie donc « ne pas tuer » peut être considéré comme un concept qui se limite à cet acte de graciation lorsque le Catch and Release, qui signifie « prendre et relâcher », est un concept beaucoup plus large s'articulant autour de l'idée selon laquelle le poisson doit retrouver son élément dans les meilleures conditions possibles et cela afin d'en garantir la survie au maximum. Dans le Catch and Release il est question de « prendre soin » des poissons. Il s'agit donc d'une dimension morale que le pêcheur s'impose, et non plus juridique ou règlementaire qui lui est imposée. On peut alors davantage parler dans ce cas, d'éthique et d'engagement.
Prendre soin d'un poisson c'est…
Respecter son rythme biologique...
Et le cas échéant interroger la règlementation en place. Prenons l'exemple des dates nationales d'ouverture et de fermeture de la pêche des carnassiers qui, historiquement, ne considèrent et ne protègent que le brochet. Malheureusement, au moment de la reprise fin avril, d'autres espèces, comme le sandre et le black bass, sont en train de se reproduire. De plus en plus d'efforts sont faits par les fédérations régionales afin d'adapter la réglementation à leur région.
...ainsi que sa physiologie
Nous pourrions prendre l'exemple des pêches trop profondes qui, dans le cas du sandre, ne permet pas d'optimiser le taux de survie des poissons une fois remis à l'eau puisque pour ces poissons l'échange gazeux s'effectue par le sang et nécessite un processus beaucoup plus long que s'il s'effectuait directement par l'oesophage comme c'est le cas pour le brochet par exemple. Nous pouvons comparer cela aux paliers qu'un plongeur est obligé de faire pour remonter à la surface mais dans le cas des percidés ces paliers devraient être beaucoup plus longs (plusieurs heures).
Dimensionner correctement son matériel
- en fonction de l'espèce visée
- en fonction de la taille des poissons recherchés
- en fonction du type de biotope pêché
Cela dans le but d'écourter le combat afin de limiter la production d'acide lactique, mais également d'éviter au maximum qu'un poisson réussisse à se réfugier dans des obstacles, ce qui aurait potentiellement pour conséquence de le blesser.
Bien le manipuler
- Utiliser une épuisette à mailles en caoutchouc adaptée à l'espèce pêchée
- Utiliser des pinces pour décrocher l'hameçon
- Se mouiller les mains avant de le saisir pour préserver son mucus qui lui sert de barrière aux agressions extérieures
- Utiliser dans la mesure du possible un tapis de réception préalablement humidifié, surtout lorsque l'on pêche depuis le bord et que l'on ne peut pas maintenir le poisson à l'épuisette.
- Limiter le temps hors de l'eau afin de limiter au maximum le stress engendré.
On comprend donc que ces deux concepts ont en commun la graciation du poisson mais qu'ils diffèrent par leur contour respectif. Cette différence est liée à l'interprétation et la conceptualisation que les pêcheurs français en ont fait après l'arrivée de ces notions en France.
Alors que le Catch and Release considère l'ensemble des étapes allant de la technique mise en œuvre jusqu'à la remise à l'eau du poisson, le No Kill ne représente en définitive que l'étape ultime du Catch and Release, celle de la remise à l'eau.
Les États-Unis, un cas d'école
L'état de la pêche aux USA n'est pas comparable à la situation en France.
Les américains ont structuré une économie forte autour de la pêche et l'ont dimensionnée autour d'un seul poisson : le black bass. Le black bass est donc le socle de cette économie. Et pour que celle-ci fonctionne les américains ont bien compris qu'il était fondamental de maintenir ce socle. Le black bass fait d'ailleurs partie de la catégorie des poissons qu'ils qualifient de « Game Fish », c'est-à-dire de poissons de sport.
À titre de comparaison nos « Game Fish » français, que sont le brochet, la perche, le sandre et la truite, pour ne citer qu'eux, sont précisément ceux qui finissent le plus couramment dans les assiettes…
Même si les conditions climatiques aux USA sont très favorables au développement de ce poisson - les black bass pouvant se reproduire plusieurs fois par an - que la densité de poissons est donc naturellement conséquente, les américains veillent à ce que ce stock disponible reste le plus stable possible. Pour cela, entre autres, ils pratiquent depuis longtemps le Catch and Release, comme précisé en début d'article.
Sans vouloir sans cesse prendre exemple sur les américains, il est tout de même intéressant de s'interroger sur le fait que si les américains pratiquent le Catch and Release alors que la ressource est chez eux importante, il semble raisonnable d'en faire de même en France si nous souhaitons assurer un avenir à notre passion.
Remerciements et pour aller plus loin
Je tiens à remercier tout particulièrement Numa Marengo pour les échanges que nous avons eu sur ce sujet et pour son savoir qui a grandement alimenté le mien depuis des années.
Par ailleurs, si vous souhaitez aller plus loin dans l'alimentation de votre réflexion, je ne peux que vivement vous conseiller le livre de Numa « La pêche et Platon » ainsi que le visionnage des Lives organisés sur sa page Facebook Numa Fishing.