Voyage de pêche en Irlande : Les brochets du Lower Lough Erne

© Julien Lecouple

Et si nous retournions pêcher le brochet en Irlande ? Après que cette question m'a traversé l'esprit, j'en parle à mon équipe habituelle d'expédition en terres irlandaises, mon père et Antoine, un ami de longue date. Et finalement cette idée soudaine emballe tout le monde !

Je contacte donc comme d'habitude Geoffray Begard, gérant de l'organisation Voyages Pêche Irlande, pour savoir s'il peut nous recevoir en septembre 2019. La réponse est rapide et positive. En 2 jours les billets d'avion sont pris, la voiture de location réservée. Le voyage est bouclé et il n'y a plus qu'à patienter.

Plusieurs semaines plus tard, en ce 8 septembre, nous atterrissons à Dublin. Le temps est maussade, pluvieux et venteux. Pour ce troisième séjour, nous aurons le droit à une véritable météo irlandaise qui nous met de suite en confiance, car nous savons tous combien Sir Esox affectionne ces conditions.

Après 2h30 de route pour traverser l'Irlande d'Est en Ouest et rallier Belleek (village situé à la frontière entre le comté de Fermanagh en Irlande du Nord et le comté de Donegal en République d'Irlande), et après avoir pris nos quartiers dans le Cottage mis à notre disposition, nous retrouvons Geoffray en fin de journée dans l'antre du fameux Black Cat Cove, un Pub irlandais dans toute sa splendeur où toute la vie de la campagne semble se réunir chaque soir. Ça rit, ça s'esclaffe, un écran diffuse un match de Rugby ou de Foot, les Pints coulent à flot et certains jours de la semaine, les soirées sont animées par des musiciens locaux.

Pour ce court séjour de 4 jours, nous ne serons guidés que le troisième sur un nouveau lac que nous ne connaissons pas, le Lough Mac Nean. Les trois autres jours nous évoluerons en autonomie sur les immenses étendues du Lough Erne et du lough Assaroe.

Geoffray nous briefe. Les conditions de pêche s'annoncent finalement compliquées, car ces derniers temps de grosses précipitations se sont abattues sur l'Irlande ayant pour conséquence directe de faire monter brusquement le niveau des rivières et des lacs ce qui n'est effectivement jamais bon pour l'activité des poissons. La pêche est ainsi faite. Il faut savoir considérer et composer avec de nombreux paramètres afin de s'adapter au mieux et augmenter ses chances de réussite. Nous verrons bien.

Jour 1 - Le Lower Lough Erne (et ses 10 000 Ha)

Rendez-vous sur les bords du lac à 9h avec Geoffray. Après la mise à l'eau de notre embarcation et un rapide brief les aspects pratiques de la journée, nous faisons cap vers les spots de pêche que nous connaissons.

Pour nos retrouvailles avec l'Erne, deux Pygargues à queue blanche nous offriront un spectacle exceptionnel en tournoyant au-dessus de nous et piquant vers la surface du lac à plusieurs reprises pour pêcher.

Arrivés sur notre premier spot, nous reprenons nos marques. Le secteur prospecté doit faire environ 30 ha et réunit à la fois une large zone de pleine eau avec des profondeurs allant jusqu'à 14 m, ainsi qu'une jolie cassure qui passe assez rapidement de 9 m à 2,50 m et enfin un très vaste plateau herbeux. L'eau est à 15,5°C. Le vent souffle de manière soutenue à l'opposé du sens de dérive prévu initialement, c'est-à-dire que nous l'entamerons sur le shallow pour terminer dans les 12 m. Nous débutons donc en faisant évoluer nos leurres très proches de la surface (hard swimbait, jerkbait, soft swimbait sur shallow rig en weightless, etc). Assez rapidement je prends une touche au Dunkle 9 et quelques instants plus tard ce dernier se fait brusquement stopper. C'est suffisamment puissant pour que je me risque à annoncer un « beau poisson ». À l'automne, les poissons ont une énergie incroyable !

Arrivés dans les 6 m de profondeur, nous commençons à distinguer de nombreux échos de poissons suspendus, mais a priori pas très actifs. Nous enchainons les dérives et catapultons inlassablement nos leurres, peignons méthodiquement les différentes couches d'eau et à force d'entêtement Antoine et mon père finiront eux aussi par faire craquer deux autres jolis poissons.

Nous mettons le cap sur un autre secteur, un très large plateau profond de 6 m, et en profitons pour réaliser une traine, nos leurres suspendus dans 12 m, sans résultat.

Arrivés sur le plateau, nous enchainons plusieurs dérives et c'est une nouvelle fois mon Dunkle 9 qui débloque la situation. Suivront deux autres petits poissons avant que nous changions de secteur.

Compte tenu de l'orientation du vent, nous décidons de faire de longues dérives en essayant de suivre au maximum la cassure. Je positionne le bateau sur celle-ci de façon à nous permettre de prospecter d'un côté, la zone shallow, et de l'autre, la pleine eau. Venant confirmer les observations du matin, c'est cette dernière qui nous rapportera le plus de touches et de poissons.

Il nous reste alors environ 3h de pêche. Nous reprenons la direction du premier spot du matin. Nous conservons la même approche, sans grand succès puisque nous ne récolterons qu'un suivi et un petit poisson. Un swimbait que j'affectionne particulièrement, le Dowz Swimmer, est accroché au bout de ma canne. Je  me dis qu'il est tout de même dommage que les poissons ne fréquentent pas plus que ça les plateaux de potamots parce que la nage de ce hard swimbait - tantôt décrivant de jolis « S » sur une récupération linéaire ou bien de grands écart latéraux à la manière d'un glide bait sur les twitches - associée à sa livrée Brown Trout (qui représente une bonne partie de l'alimentation des brochets de l'Erne) devrait faire mouche dans les eaux acides et couleurs thé de l'Erne. Voyant à ce moment de la journée que rien ne semble être plus productif qu'autre chose, je persévère avec le Dowz Swimmer. Je varie les animations, alternant entre du stop & go en linéaire pur et des phases récupération rapide ponctuée de longues pauses et de twitches. C'est sur une longue pause que j'aperçois un joli poisson se décaler. Je twitche le leurre pour l'inciter à passer à l'action. Le brochet verrouille sa cible et attaque le Dowz Swimmer à quelques mètres du bateau ! Encore une fois le poisson se défend vigoureusement, mais finira dans les mailles de l'épuisette.

De retour sur la terre ferme nous analysons cette journée. Les poissons sont proches des cassures ou décalés en pleine eau et suspendus entre 6 et 9 m. Les zones shallows ne sont que peu fréquentées malgré la présence de potamots qui ont habituellement la particularité de fixer les poissons. Si la pêche a été tout à fait positive sur le plan des résultats, nous avons néanmoins la sensation, à moins que les conditions ne changent radicalement, qu'il n'y aura pas de poisson-cadeau durant ce séjour ! Les deux jours suivants viendront largement confirmer cette impression.

Jour 2 - Assaroe

Connaissant le potentiel « gros poisson » de ce lac et la très grosse population d'anguilles et de saumons représentant la nourriture principale des brochets, nous décidons de privilégier l'emploi de très gros soft swimbaits et d'imitations d'anguilles.

Le vent souffle très fort et entraine la formation de jolies vagues. Nous débutons par une longue traine dans 6 m d'eau pour rallier le premier spot avec un vent de face de 50 km/h. Je me concentre sur la manœuvre du bateau, mais cette traine n'apportera qu'un seul poisson modeste.

Nous sommes maintenant en place pour la première très grande dérive de la journée. Rapidement, Antoine fait suivre un petit poisson puis plus rien. Plus rien pendant une bonne heure et demie. Nous connaissons le potentiel de ce lac tout autant que son caractère capricieux. Nous passons sur une dérive dans 12 m de profondeur, chacun prospectant une couche d'eau. Nous réussirons à gratter un petit poisson sur le fond, rien de plus. Même résultat lors d'une dérive sur un shallow. Nous faisons défiler les spots sans résultats probants et nous passerons ensuite quelques heures sur une zone où nous avons déjà vécu des moments magiques, des « coups de feu » de 30 min avec plusieurs 90+ à la clé. Sauf que là, rien de se passe. Au bout d'un long moment, Antoine déclenche un poisson presque par hasard. Après avoir accroché un herbier, il récupère très rapidement sa ligne pour pouvoir nettoyer son leurre et c'est sur cette phase d'accélération très rapide juste sous la surface qu'un brochet se décide. Les poissons sont donc bien présents et nous pensons tenir un début de réponse quant à la manière de pêcher. Mais non, nous aurons beau pêcher plus rapidement dans le but de susciter des attaques réflexes, nous ne récolterons au mieux que quelques suivis.

Nous ne nous formalisons pas sur les résultats de cette session, car pêcher Assaroe est un parti pris. On ne pêche pas ce lac avec pour objectif de faire du nombre, mais bel et bien en pour espérer toucher un gros poisson. J'ai d'ailleurs sur ce lac un excellent souvenir de pêche. Le souvenir d'une séquence en 2017 où tout se déroule à merveille. Être au bon endroit, au bon moment avec un vrai gros à la clé, 1,10 m pour 23,5 lbs ! Mais cette année le mystérieux Assaroe n'a rien voulu savoir.

Après discussion avec Geoffray, Sébastien et Axel, deux autres guides officiants sur le camp, nous nous rendons compte que la pêche a été compliquée pour tout le monde et que les sessions ont été sauvées grâce à des pêches à la traîne. Il y a des jours comme ça.

Jour 3 - Lough Mc Nean

Pour ce troisième jour, Geoffray souhaite nous faire découvrir ce nouveau lac. L'évènement réellement marquant de cette journée sera la découverte d'un splendide biotope dès notre arrivée sur place. Un lac très découpé, où, aux baies bordées de roselières succèdent des îles, le tout dans un écrin de verdure somptueux. Comme c'est le cas sur bon nombre de lacs irlandais, les spots potentiels sont innombrables, mais après avoir écumés les hotspots de Geoffray sous la pluie et dans le vent, être passés de zones profondes à la recherche de jolis poissons, à des zones shallow à la recherche de touches, nous nous rendons à l'évidence que cette journée s'inscrira dans la continuité directe de la précédente. Plusieurs passages en traîne pour battre du terrain n'y changeront rien. Notre salut arrivera tout de même en toute fin de journée lorsque les brochets d'une grande baie ont finalement décidé de passer à l'action. Nous enchainons alors une dizaine de brochets de tailles modestes avant de rentrer à la mise à l'eau.

Jour 4 - Retour sur l'Erne

Pour ce quatrième et dernier jour de pêche nous décidons de repartir sur l'Erne, d'écumer de nouveau les secteurs pêchés le premier jour, car les poissons sont là, nous en avons fait et vu beaucoup à l'échosondeur. Les conditions météo tranchent radicalement avec les journées précédentes. Le vent a cessé complètement. Le lac est d'huile. En route pour le premier spot, nous remarquons rapidement une importante activité à la surface. Les poissons blancs et les truites godent à tout va. Il y a fort à parier que cela va inciter les brochets à s'activer eux aussi. Dès le premier lancer, un poisson frappe sèchement mon leurre à la descente sans que je n'aie le temps de réagir. Il en sera ainsi pendant 1h30, nous enregistrerons tous les trois des frappes sèches et courtes gueules fermées, sans piquer un seul poisson. Nous restons sur la zone et insistons. Nous pêchons de manière complémentaire, méthodique en accordant un soin particulier à faire évoluer nos leurres dans la bonne couche d'eau. Quelques touches sans suite plus tard, la situation change, tout s'accélère. Les gros poissons passent à l'offensive ! C'est mon père qui concrétise le premier. Un poisson venu tout droit des profondeurs, gueule béante, vient happer son leurre à quelques mètres du bateau. S'en suit un combat musclé qui prendra malheureusement fin prématurément. Trahi par son matériel, mon père devra laisser filer un poisson record. À la déception se mêlent les pronostics et sans prendre aucun risque, nous sommes tous d'accord sur le fait que poisson perdu franchissait allègrement la barre du mètre. Pas le temps de gamberger, il faut profiter de l'instant. Quelques lancers plus tard, ma ligne se fait à son tour stopper net. Dès l'entame du combat, je sais que j'ai à mon tour à faire à un gros brochet. L'amplitude des coups de tête et la lourdeur du poisson ne trompent pas, d'autant que je pêche avec ma canne la plus forte. Quelques courtes minutes plus tard, le poisson finit sa course dans l'épuisette. Tout le monde est ravi sur le bateau. Avec ses 107 cm, nous tenons notre poisson métré, comme à chacun de nos séjours irlandais !

Après cet épisode, les heures défileront sans séquence pareille à celle que nous avons vécue le matin, mais nous parviendrons cependant à prendre du poisson (et des jolis !) de manière régulière tout au long de la journée. Petit clin d'oeil au Dexter Shad 250 qui s'est montré particulièrement productif. Cette journée s'achève en même temps que notre séjour et elle fut à l'image de celui-ci : une réussite.

Ce dernier voyage chez Geoffray fut sans conteste le plus difficile de tous en ce qui concerne la pêche, ceci étant directement dû aux conditions météo exceptionnelles. Mais à force de persévérance il est toujours possible de s'en sortir, les eaux irlandaises savent se montrer généreuses ! Mais quoiqu'il arrive, un voyage de pêche restera toujours une « prise de risque » ne serait-ce qu'à cause du peu de temps que l'on passe sur place. La météo est un facteur que l'on ne peut maîtriser et qui conditionne grandement l'activité des poissons et par conséquent les résultats, mais il ne faut jamais se décourager, car la limite entre l'échec et la réussite à la pêche est mince. Au-delà de ça, l'expérience irlandaise ne peut se résumer à la pêche. Se retrouver au Pub le soir, tous ensemble, immergés au cœur d'un symbole fort de la culture irlandaise, ça n'a pas de prix. Car l'Irlande, c'est aussi les Irlandais.

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Geoffray Begard

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