Salut Lionel, merci d'avoir répondu présent. Peux-tu, pour commencer, te présenter aux lecteurs de Pêche.com ?
Lionel Guirado – Salut Julien, je m'appelle Lionel Guirado, j'ai 44 ans, je suis Pacsé, j'ai deux enfants et j'habite dans le Cher.
Depuis combien de temps es-tu guide de pêche ?
Lionel Guirado – Je suis diplômé depuis 2008 et je me suis installé le 1er avril 2009. J'attaque donc ma douzième saison de guidage dans ma région. En parallèle je guide régulièrement depuis 12 ans sur le lac de Mequinenza en Espagne. Je loue également des gîtes en bord de Loire à la nuitée, au week-end ou à la semaine ainsi que 4 kayaks équipés pour la pêche que je loue à la journée.
Pourquoi être devenu guide de pêche ?
Lionel Guirado – Avant de devenir Moniteur Guide de Pêche j'étais routier. J'en ai eu marre d'être pris par le travail, de n'avoir le temps de me consacrer ni à ma vie familiale, ni à la pêche qui est ma passion de toujours. C'est un ami pêcheur qui, à l'époque, m'a donné les coordonnées de la MFR (NDLR : Maison Familiale et Rurale, centre de formation pour Moniteur Guide de Pêche) de Naucelle dans l'Aveyron. J'ai passé les tests, suivi la formation et suis ressorti diplômé en 2008.
Tu avais déjà fait ton étude concernant le potentiel de guidage sur la région où tu étais installé ou tu envisageais potentiellement déménager ? Comment as-tu pensé les choses ?
Lionel Guirado – Déjà je te dirais que j'ai envisagé cette activité de guidage comme une activité secondaire car à l'époque je ne voulais ni ne pouvais changer de région. Par ailleurs, mon territoire ne me permettait pas de pouvoir guider toute l'année. La Fédération de la Nièvre, comme la majorité d'ailleurs, interdisent la pêche de tous les carnassiers durant les trois mois (NDLR : février, mars et avril) correspondant à la fermeture spécifique du brochet. A part si l'on est sur des secteurs privés, on ne peut pêcher ni l'aspe, ni le silure qui sont les deux espèces sur lesquelles je guide principalement. De plus, il faut composer avec les saisons et notamment les périodes de crues sur la Loire. Je ne me vois pas vraiment faire venir pêcher des gens dans des eaux boueuses… Je ne vends pas de poissons, mais j'essaie autant que possible d'emmener pêcher les gens lorsque les conditions de pêche sont propices. Et ce n'est pas propice toute l'année…
Quels types de produits de guidage proposes-tu ?
Lionel Guirado – Après avoir longtemps guidé pour le silure, je guide maintenant principalement pour l'aspe en bateau aux leurres ou à la mouche sur 40 km de Loire à cheval sur les départements du Cher et de la Nièvre.. C'est un format très flexible sur la base d'une journée de guidage à 150 €. J'estime que mon tarif est honnête dans le sens où je ne guide que sur la Loire, que je n'ai pas un gros moteur qui consomme beaucoup d'essence et que par-dessus tout je veux que le guidage soit accessible au plus grand nombre et non pas qu'il soit réservé à une élite. Par ailleurs, depuis l'année dernière je propose, en partenariat avec les locaux, une offre de guidage d'une semaine (7 nuits/6 jours de pêche) en pension complète sur l'aïmara en Guyane sur le lac de Petit-saut. Un groupe est d'ailleurs déjà formé pour la fin de l'année.
Pourquoi avoir arrêté le guidage silure ?
Lionel Guirado – La réglementation qui ne le permet pas vraiment… j'en ai un peu assez de jouer au chat et à la souris…
Que fais-tu lorsque tu ne guides pas ? Tu en profites pour pêcher pour toi ?
Lionel Guirado – Lorsque je ne guide pas je me consacre à mon autre activité qui est de travailler dans le bâtiment avec un emploi du temps que j'ai la chance de pouvoir adapter en fonction de mon activité de Guide de Pêche. Autrement, j'essaie d'aller à la pêche.
Quel regard portes-tu sur le guidage en France ?
Lionel Guirado – En premier je dirais que malgré le fait que nous soyons tous dans le même pays, en fonction des territoires les guides ne sont pas tous logés à la même enseigne. Si je prends l'exemple de l'Aveyron, un Guide de Pêche pourra continuer à pratiquer son activité pendant la période de fermeture spécifique du brochet. Un guide en Aveyron peut donc travailler 365 jours par an alors que dans la Nièvre par exemple, et comme je le disais tout à l'heure, tu ne pourras pas continuer à guider pour le silure ou l'aspe pendant la fermeture du brochet alors que, d'une part, les approches sont totalement différentes des techniques de pêche du brochet - c'est rare d'aller chercher les brochets en plein courant ! (rires) - et que d'autre part, le cheptel de brochets est quasiment nul sur le linéaire de Loire que j'exploite à cause de la destruction des frayères et l'invasion des cormorans. En gros, on interdit à quelqu'un de pêcher, de travailler, pendant 3 mois pour protéger une espèce qui n'est même plus présente… Contre qui je porte plainte pour concurrence déloyale ? Contre mes collègues Guide de Pêche en Aveyron que j'apprécie ? Contre la FD de l'Aveyron qui a fait bouger les choses ? Le métier n'est absolument pas reconnu en France.
Et si on revient 50 ans en arrière : comment faisaient les pêcheurs de saumons en Loire pendant la fermeture spécifique du brochet ? Et bien ils pêchaient avec des Streamers et des grosses cuillères à saumon et tout brochet capturé accidentellement était relâché. Il n'y a jamais eu de fermeture des carnassiers au sens large.
Après, je peux parler des pêcheurs professionnels, qui n'ont besoin d'aucun diplôme pour exercer leur activité, font partie des commissions techniques et bénéficient d'aménagement de réglementation par rapport à leur territoire leur permettant notamment de tendre des filets jour et nuit pendant la période de fermeture spécifique du brochet alors que le Guide de Pêche diplômé a l'interdiction d'emmener des gens à la pêche !
Comment expliques-tu cette situation ?
Lionel Guirado – Cette situation existe car le lobby de la pêche professionnelle est bien plus influent que celui de la pêche de « Loisir ». Et si on prend l'exemple de la pêche du silure, il s'agit d'une pratique encore trop marginale pour être défendue. Ce poisson souffre d'un délit de « sale gueule » et les pêcheurs qui le recherchent sont stigmatisés. Rien n'est fait pour évoluer dans le bon sens. Il existe des secteurs où il n'y a pas de brochet et beaucoup de silures. Pourquoi ne pas adapter la réglementation ?! Si les guides de pêche en Aveyron peuvent travailler toute l'année c'est uniquement parce que la Fédération de l'Aveyron a travaillé pour adapter la réglementation à son territoire et sa ressource piscicole en mettant en place des quotas ainsi que des zones de réserve pour la fraie pour permettre de pêcher les carnassiers tout au long de l'année. Un Guide de Pêche pourra pêcher le sandre pendant la fermeture spécifique du brochet par exemple. Un brochet capturé accidentellement doit être obligatoirement relâché, ce n'est pas plus compliqué. Tout le monde respecte les règles et cela fonctionne très bien !
Quels rapports entretiens-tu avec les pêcheurs professionnels qui exercent sur les mêmes secteurs que toi ?
Lionel Guirado – J'ai la chance que les choses se passent bien avec les deux pêcheurs professionnels qui exploitent le même linéaire de Loire que moi. Ils font en sorte de me laisser travailler. Ils ne ciblent pas les poissons trophée par exemple. Il y a 3 ans, l'un d'eux a relâché 13 silures albinos sur la saison !
Comment font-ils pour épargner les poissons trophée ?
Lionel Guirado – Ils les relâchent ! Même s'il est vrai que l'on peut légitimement se poser la question de l'efficacité du système. Autant un gros silure ou une grosse carpe seront certainement encore vivants lorsque les filets seront relevés le lendemain matin, autant il y a beaucoup plus de doute quant à la survie d'un brochet piégé depuis des heures dans un filet… Après, ils ne travaillent pas qu'avec des filets, ils ont des nasses également, bien moins traumatisantes pour les poissons.
Une entente pêcheurs de loisir – pêcheurs professionnels est donc possible si l'on en croit ton expérience personnelle ?
Lionel Guirado – Oui, mais les garants de cette bonne entente ne peuvent pas être les pêcheurs de loisir qui sont dans l'impossibilité de faire avancer les choses. C'est aux pêcheurs professionnels de faire le premier pas, ce sont eux les garants de cette bonne entente. C'est à eux d'accepter une autre vision de la pêche, d'accepter par exemple d'épargner les poissons trophée que les pêcheurs de loisir, pour la plupart, recherchent.
Ok, donc le rapport de force est très clair alors que les retombées économiques de la Pêche de Loisir vis-à-vis de la Pêche Professionnelle sont incomparables…
Lionel Guirado – C'est clair. Ça se chiffre en milliers d'euros par an pour leur secteur alors que la pêche de loisir génère plusieurs milliards dans le même temps ! Un exemple pour illustrer le déséquilibre : si tu veux essayer d'obtenir le droit de pêcher la carpe de nuit sur un secteur défini il faut demander l'autorisation au pêcheur professionnel qui exerce sur le secteur en question ! Dans le même temps, deux options s'offriront à ce même pêcheur pro lorsqu'il prendra une carpe dans ses filets : la relâcher sur son secteur ou la vendre à un privé… Je prends l'exemple de la carpe mais c'est tout aussi vrai pour le silure.
Quel(s) conseil(s) aurais-tu à donner aux personnes qui souhaiteraient se lancer dans cette aventure ?
Lionel Guirado – Rester simple, pour peu qu'on le soit. Il faut rester abordable.
En tant que guide vous êtes en partie là pour faire rêver les gens, mais en tant que pêcheur quel(le) est ton rêve / ta destination rêvée ?
Lionel Guirado – Ma destination rêvée c'était la Guyane pour les poissons d'eau douce surtout, mais je l'ai fait. Mon nouveau rêve c'est d'y retourner au plus vite ! (rires)