Fenêtre de capture du brochet : un exemple de réglementation pêche à suivre ?

Le développement de la pêche de loisir en France ne peut se concevoir que si les milieux aquatiques hébergent suffisamment de poissons. Plusieurs solutions existent pour contribuer à soutenir les populations piscicoles, comme protéger plus efficacement les milieux aquatiques ou faire évoluer les réglementations de pêche.

Les règles de pêche pour nos cours d'eau et plans d'eau sont parfois anciennes, et plus suffisamment adaptées au fonctionnement de nos écosystèmes aquatiques et aux pratiques de pêche modernes. Mais la situation est en train de changer dans certains de nos départements qui, pour certains, mettent notamment en place depuis quelques mois une fenêtre de capture pour les brochets.

Une fenêtre de capture, pourquoi ?

En se basant sur des études publiées dans différents pays, et sur les règles de pêche mises en place localement qui en découlent, plusieurs fédérations départementales de pêche ont décidé de mettre en place une fenêtre de capture pour le brochet. Concrètement, il existe toujours une taille minimale de capture pour cette espèce, mais il y a aussi désormais une taille maximale de capture. Autrement dit, tous les brochets capturés mesurant moins de 60 cm et plus de 80 cm doivent être remis à l'eau (voire entre 50 et 70 cm sur certains territoires).

La fenêtre de capture du brochet en schéma
La fenêtre de capture du brochet en schéma

Les grands poissons sont les meilleurs géniteurs

L'objectif de cette nouvelle réglementation est bien sûr de préserver l'espèce brochet, et plus spécifiquement les bons géniteurs que sont les grands poissons. Les études montrent que les poissons de plus de 80 – 90 cm sont très souvent des femelles qui ont une meilleure fécondité que des poissons plus petits (plus d'ovules et un plus grand nombre de pontes). Contrairement à certaines idées reçues, les grands brochets ne sont pas stériles : les grosses femelles produisent plus d'œufs qu'un poisson de taille inférieure, même si leur rendement estimé à partir du ratio poids / nombre d'œufs est plus faible.

Préserver le patrimoine génétique sauvage

Le capital génétique de ces grands brochets est également une richesse à préserver pour ses descendants et les écosystèmes aquatiques. Notons que les alevinages en brochet ont ainsi plutôt tendance à appauvrir le capital génétique de nos cours d'eau, lorsque des poissons d'élevage réussissent à se reproduire avec les souches autochtones. L'alevinage reste à ce stade néanmoins nécessaire pour soutenir les populations de poissons.

Le brochet, ce baromètre de nos eaux

Le brochet est par ailleurs considéré comme une espèce repère : lorsque ce poisson se développe correctement, cela signifie que l'écosystème dans lequel il évolue fonctionne normalement.

Retrouver des poissons trophées régulièrement

D'autres pays nous ont montré la voie depuis plusieurs années maintenant, en Amérique du Nord, en Irlande ou en Scandinavie notamment, avec des résultats probants sur les effectifs de carnassiers et les captures de poissons trophées.

Un des objectifs de cette mesure : permettre aux pêcheurs de croiser plus souvent des poissons trophées
Un des objectifs de cette mesure : permettre aux pêcheurs de croiser plus souvent des poissons trophées

Plusieurs territoires ont déjà franchi le cap

En France, c'est la Fédération du Lot qui a (encore) fait parler d'elle en ce début d'année 2020. Une Fédération active pour le développement du loisir pêche, qui a su imposer cette fenêtre de capture par arrêté préfectoral dès le 1er janvier 2020.

D'autres départements français se sont également lancés, comme l'Eure-et-Loir et la Charente-Maritime (sur le fleuve Charente) en 2020. Dans le Rhône, c'est dès 2019 que cette expérimentation a été lancée sur plusieurs plans d'eau, avec une fenêtre fixée entre 50 et 70 cm.

On sent bien que cette réflexion agite actuellement d'autres fédérations de pêche qui pourraient bientôt franchir le pas.

L'avenir de la fenêtre de capture

Il faudra attendre plusieurs mois, voire plusieurs années, pour savoir si ces nouvelles mesures sont efficaces pour les effectifs de brochets. Les retours d'expérience venant d'autres pays maintenant engagés sur cette voie depuis longtemps nous permettent d'être raisonnablement optimistes. Ce sera donc ensuite à la Fédération Nationale de Pêche en France de se positionner, en travaillant le cas échéant sur une directive nationale qui encadre les réglementations mises en place localement.

Nos règles de pêche actuelles montrent en effet certaines limites, on peut par exemple se demander si le principe d'une taille minimale de capture pour le brochet n'a pas contribué à un développement plus important des brochets de petite taille, en favorisant une sélection génétique artificielle en faveur de ces sujets de taille plus modeste (ce que certaines études scientifiques tendraient à montrer).

La maille inversée

D'autres évolutions de réglementation ont aussi vu le jour ces dernières années. Par exemple avec une maille inversée mise en place sur le silure dans secteurs du Rhône, où les sujets de plus de 170 cm doivent être remis à l'eau. L'idée dans ce cas étant que les gros silures agissent comme des régulateurs de leur propre espèce. L'Irlande a mis en place cette réglementation pour le brochet et c'est assez logique si l'on considère la pyramide des âges de n'importe quelle espèce : les jeunes individus sont bien plus représentés que les plus âgés.

Pour autant, l'évolution des réglementations ne pourra être le seul levier permettant de soutenir les effectifs de poissons. Il convient par exemple de soutenir les efforts déjà entrepris localement sur les frayères, de promouvoir de saines pratiques de remise à l'eau du poisson, et de faire en sorte qu'il puisse y avoir plus de contrôles au bord de l'eau pour faire respecter de telles mesures innovantes.

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