Je vous ai récemment proposé une interview d'Anne-Cécile Monnier "Anne-Cécile Monnier : l'état d'une rivière est le reflet du monde dans lequel on vit", interview au cours de laquelle nous avions discuté du métier d'hydrobiologiste, des multiples projets photographiques et vidéo d'Anne-Cécile et plus généralement, de la mission de sensibilisation à la fragilité de nos cours d'eau qu'elle mène partout en France et au-delà de nos frontières. J'ai profité de l'occasion pour poser quelques questions à Anne-Cécile concernant son ouvrage "Sous la surface".
Bonjour Anne-Cécile, tu as sorti il y a un peu plus d'un an maintenant, en septembre 2019, un livre intitulé « Sous la surface » entièrement dédié au monde des eaux douces. Où ce projet puise-t-il ses racines ?
Anne-Cécile Monnier – J'avais ce projet en tête depuis quelques temps et après 5 ans passés à photographier sous l'eau, la vie de nos rivières françaises, je me suis lancée début 2019 dans la construction de ce projet, pour partager ces moments d'immersion et faire un recueil de ces 5 années de plongée à la rencontre de nos espèces aquatiques.
Quel objectif as-tu poursuivi à travers cet ouvrage ?
Anne-Cécile Monnier – Comme toute action de sensibilisation, l'idée est d'attirer le grand public. L'amener à s'intéresser aux rivières grâce aux photographies, à la contemplation, à le convaincre de la nécessité à préserver cette biodiversité. Ce livre intéresse également les pêcheurs car il parle d'espèces qu'ils connaissent bien, mais appréhendées selon un autre angle, à travers un autre regard, derrière mon masque. Mon humble objectif est de mettre la beauté graphique au service du milieu aquatique, de sensibiliser par le beau. Mettre en lumière des espèces en péril, des espèces « repère » pour la qualité des rivières, les montrer de la plus jolie façon afin de capter l'attention, et interpeller sur la nécessité de protéger nos cours d'eau.
Le choix que tu as fait de mettre en avant des espèces fragiles n'est évidemment pas un hasard…
Anne-Cécile Monnier – Non, effectivement... J'essaie de mettre en valeur des espèces remarquables comme l'anguille, l'ombre commun, la truite ou le brochet. Je ne parle pas uniquement des poissons mais également des amphibiens, ou de certaines espèces fragiles de tortues comme la cistude d'Europe. Chaque espèce est ambassadrice d'une idée que j'ai envie de mettre en évidence. Par l'intermédiaire du brochet et de ses mœurs je souhaitais communiquer sur l'intérêt de préserver les zones humides, les bras morts, les zones naturelles d'épanchement des eaux essentielles à sa reproduction, par exemple.
L'anguille me permet d'aborder différemment le sujet de l'impact de l'humain sur les rivières. L'anguille européenne est en voie de disparition en France et l'idée était de comprendre pourquoi. Je parle de la pollution, des barrages, du braconnage, de la diminution des zones humides, etc. La raréfaction de cette espèce est due à l'ensemble de ces facteurs mais l'anguille n'est évidemment pas la seule espèce de poisson à être impactée.
Tu parles également d'un petit poisson bien méconnu en France, que cela soit du grand public comme des pêcheurs, et pourtant bien de chez nous : l'apron du Rhône.
Anne-Cécile Monnier – L'apron du Rhône, c'est un peu le graal de ce projet voire de ma petite carrière d'hydrobiologiste ! C'est une espèce méconnue et menacée et pourtant endémique du bassin du Rhône, il n'y en a nulle part ailleurs dans le Monde. C'est un petit poisson de fond, qui est très sensible à la destruction de son habitat, aux pollutions et qui bénéficie de programmes de protection en France. Il est très rare de l'observer.
Cette rencontre est d'autant plus forte qu'elle a eu lieu quelques jours avant de boucler les prises de vues du livre, dans un affluent de l'Ardèche, lors d'une fin d'après-midi estivale alors que ce petit poisson ne s'observe en théorie que la nuit lors des suivis scientifiques. La journée il se cache bien blotti sous les pierres et galets. Peut-être avait-il été dérangé ce jour-là ? Car au même moment, un vacancier du camping voisin était en train de déplacer, à 20 m de moi, des grosses pierres de la rivière pour faire un barrage afin de pouvoir « faire de la bouée ». Une illustration de la nécessité à communiquer sur la vie des rivières auprès des usagers qui, pour beaucoup, n'ont pas conscience de l'impact de leurs faits et gestes sur le milieu aquatique.
Ce livre est autoédité. Pourquoi avoir fait ce choix ?
Anne-Cécile Monnier – Ce livre, édité par mon association Reflets d'eau douce, a été soutenu de nombreux partenaires comme l'Agence de l'eau Rhin-Meuse, par les Fédérations de Pêche de Meurthe-et-Moselle, Meuse et Ardèche ainsi que tous les particuliers qui ont participé à la campagne de pré-commande, sans qui ce projet n'aurait pas vu le jour. C'est-à-dire qu'il a fallu trouver les financements pour pouvoir lancer l'impression et lancer la distribution, ce qui fait partie des tâches gérées par un éditeur normalement. J'ai fait le choix de l'autoédition car l'objectif était de le distribuer lors des évènements grand public comme les conférences, projections, animations et festivals de photographie animalière. Je voulais conserver ce lien avec mon livre. C'est du 100% artisanal et c'est ce qui me plaît ! Il est également possible de le commander directement sur mon site web, avec bien sûr une petite dédicace !
Pourquoi ce format, pourquoi un livre à l'heure du tout numérique ?
Anne-Cécile Monnier – Pour la vie du livre. Un livre ça reste, ça n'est pas éphémère. Lorsque quelqu'un achète un livre et le conserve chez soi, de nombreuses personnes pourront le consulter au fil des années. Aussi pour sa dimension de « sensibilisation » au fil des pages, à travers les messages que l'on partage, et il est pour moi essentiel que ça ait le plus de résonnance possible.
Sous la surface - Anne-Cécile Monnier
- Editions Reflets d'eau douce
- 24×30 cm
- 160 pages
- 38 €