Pêche de la carpe : l'extrême bordure, celle d'où l'on tend, peut rapporter gros !

Souvent nous allons chercher ailleurs ce qui est devant nos yeux. Ceci est vrai dans tous les domaines et la pêche de la carpe n'échappe pas à ce constat. Ces dernières décennies, avec l'évolution des techniques et du matériel, cette idée n'a jamais été aussi vraie.

Nous voulons aller chercher notre poisson favori toujours plus loin. Nous sommes pourtant tous conscients qu'il y a des carpes à nos pieds mais pêcher plus loin est certainement plus rassurant car peu de pêcheurs mettent en œuvre une approche afin d'exploiter réellement les bordures ; du moins la plus proche de nous, c'est-à-dire celle où nous posons les cannes ! Mon défi était tout trouvé. J'allais réaliser une pêche d'extrême bordure c'est-à-dire à mes pieds.

L'objectif du défi

Réaliser au moins 60 kg en 4 poissons (minimum 15 kg) en pêchant l'extrême bordure et ce à une seule canne sur une session de huit jours.

Le choix du lieu est forcément primordial

Mon challenge se déroule sur un étang d'une dizaine hectares, peu profond, avec un joli cheptel. Mon objectif « poids » est bien entendu en adéquation avec le lieu choisi. La végétation des abords est plutôt dense.  La pression de pêche est importante. Les poissons en ont vu de toutes les couleurs. Sur ces lieux, seule la pêche du bord est autorisée. Les bateaux de tout type sont interdits. Ici, les carpes ont l'habitude de voir et d'entendre les spombs frapper la surface à longueur de temps. La pêche à longue distance semble être privilégiée. Les montages tombent donc souvent au même endroit, accompagnés de grande quantité de nourriture, propulsée au spod.

Les conditions climatiques

Nous sommes en plein printemps. Les poissons sont en période de fraie un peu partout dans l'hexagone. Sur la localité du moment, les petits poissons auraient frayé mais les grosses n'auraient pas commencé. A mon arrivée, il fait chaud. J'ai peur qu'elles rentrent en fraie définitivement. Finalement, les conditions anticycloniques ne seront pas stables et laisseront place à de fortes pluies. Il est quasi certain que la fraie n'aura pas lieu lors de ma session. Également, la pluie des derniers mois donne accès à des branches qu'elles n'abordent pas d'habitude. Il y a bien 20/30 cm d'eau en plus. Sur l'ensemble de l'étang, les poissons semblent donc avoir majoritairement une activité de bordure.

Approche technique et stratégique

J'ai mis en place un amorçage à longue et moyenne distance sur mes deux autres cannes. Certes il y a le défi à réaliser mais je ne veux pas ruiner ma session non plus. Ces deux cannes vont me permettre de me rendre compte du comportement des poissons avant de mettre en place ma stratégie de bordure. Lors des 1ères 72H, les poissons s'aliment généreusement sur les amorçages. Mais petit à petit les touches s'amenuisent. Les poissons semblent se rapprocher de plus en plus des bords en se détournant complètement des amorçages. Fort de ce constat, je mets mon approche en place. J'ai repéré trois spots très proches de moi. Un à gauche et un à droite de mon poste et un autre sur le poste de mon pote (tous accessibles de notre bord). Ces trois spots sont encombrés. En effet, il ne s'agit pas de pêcher la bordure au hasard mais bien de localiser une ou des zones proches de moi, susceptibles d'héberger des poissons. Je constate souvent que les carpes, en bordure, sont localisées sur des zones très précises. Elles sont souvent nombreuses sur des endroits restreints. Ici, branches, herbiers, roseaux sont à ma disposition.

Sur ce spot, les branches sont plutôt dominantes.
Sur ce spot, les branches sont plutôt dominantes.
Sur ma gauche, les herbiers sont bien présents.
Sur ma gauche, les herbiers sont bien présents.
Les roseaux ont toujours été réputés pour être des aimants à carpes.
Les roseaux ont toujours été réputés pour être des aimants à carpes.

Et ce à quelques centimètres du bord. Ces trois spots seront pêchés en alternance de façon à les laisser reposer en cas de touche. Concernant mon amorçage, ce sera light. Je souhaite mettre en confiance les poissons. Un amorçage copieux serait suspicieux pour les poissons et risquerait d'anéantir mes plans. Je ne jetterai que quelques appâts le soir et le matin, un peu à l'image des pêcheurs qui jettent leurs esches délavées devant eux. Les poissons les consomment quasi sans méfiance car ils ne se font presque jamais piquer sur ces zones. J'ai d'ailleurs repéré des bouillons énormes juste devant les cannes (à moins d'un mètre). C'est de bon augure. Je veux les accoutumer à cette petite quantité dispersée chaque jour avant de tendre une ligne. J'ai choisi les Feedz Tiger 14mm pour déjouer la méfiance des carpes.

Voici la ration de Feedz en 14 mm dispersée chaque matin et soir.
Voici la ration de Feedz en 14 mm dispersée chaque matin et soir.

En effet, sur ce lieu, bon nombre utilisent des appâts carnés et protéinés. Ces esches uniquement à base de graines seront mon allié pour l'occasion. Sur les zones amorcées au loin, ces appâts ont mieux fonctionné que les autres. Alors il n'y a pas de raisons que ce ne soit pas le cas au bord avec la bonne approche. Notons aussi que les nuisibles sont quasi absents. Côté technique, un montage coulissant armé d'un bas de ligne en Shadow 40 mm fera parfaitement l'affaire. Niveau présentation, là encore je joue la carte de la discrétion. Un eschage dense à l'image de l'amorçage sera de rigueur. Je veux vraiment prendre à contre-pied le conditionnement négatif engendré par la surpêche et les techniques récurrentes.

Sécurité du poisson

J'utilise, lorsque le « cassant » n'est pas possible, un montage coulissant pour pêcher les carpes dans les obstacles. Également et dans beaucoup de situations, j'utilise des hameçons sans ardillon. Je suis ainsi sûr, en cas de casse, que l'intégrité du poisson ne sera pas affectée. J'insiste tout de suite. Je n'ai pas plus de décrochages. Vous pouvez y aller les yeux fermés. Pour résumer, efficacité et respect caractérisent ce montage.

 Ce montage coulissant fait parfaitement l'affaire. En plus, aucun risque pour les poissons. En gros, une pierre deux coups !
Ce montage coulissant fait parfaitement l'affaire. En plus, aucun risque pour les poissons. En gros, une pierre deux coups !

Le festival est proche

Alors que j'exploitais déjà mes spots amorcés à longue et moyenne distance, j'entretenais mes coups d'extrême bordure en déposant matin et soir une petite poignée de mes Feedz coupées et broyées. Ce n'est que le quatrième jour que je me décide enfin à tenter ma chance. Je fais quelques mètres sur ma droite et dépose chirurgicalement mon montage. Aucun autre artifice du style fil soluble ou autre PVA ne sera utilisé afin de déjouer toute méfiance. Je ramène ma canne sur mon piquet le plus discrètement possible en évitant branches et autres roseaux. Une heure à peine après avoir tendu, j'enregistre une 1ère touche. Le poisson accuse 14 kg. Il n'est donc pas comptabilisé. Comme le veut mon approche, je tends maintenant ma canne sur un autre spot. Cette fois ci, je fais quelques mètres à gauche et dépose mon montage dans un herbier. Alors que je m'apprêtais à changer ma canne de spot, une touche à revenir survient. Et boum ! Un poisson dépassant allègrement la taille imposée rejoint mon tapis.

Avec cette morphologie, la « paillasse » devait frotter le fond.
Avec cette morphologie, la « paillasse » devait frotter le fond.

Ma canne de bordure a donc ouvert le score mais restera muette tout le reste de la journée ainsi que toute la nuit.

5ème 24H : En ce nouveau jour, je tente ma chance sur le spot plus proche de mon pote. Les branches mais surtout les roseaux sont encore plus présents. Sous une pluie battante, je réalise un gros poisson qui porte à deux le nombre de fishs réalisés en extrême bordure.

Poisson pris sous une pluie battante. La chute des températures qui s'en suivit calma les ardeurs des poissons pour quelque temps.
Poisson pris sous une pluie battante. La chute des températures qui s'en suivit calma les ardeurs des poissons pour quelque temps.

Je réaliserai un autre poisson ne dépassant pas 15 kilos sur mon spot de droite. Il me reste 2 poissons de ce gabarit à faire pour réussir mon challenge.

A partir de là, comment dire ? C'est la traversée du désert et ce quels que soient les spots abordés (bordures ou autres). La pluie incessante a engendré une chute des températures et les poissons ont quitté notre zone. Seul un poisson viendra rejoindre mon tapis lors du 7ème jour. Mais quel poisson ! La canne était tendue sur le spot proche de mon pote. Ce genre de poisson est bien plus qu'un bonus.

Celle-ci vaut des points !
Celle-ci vaut des points !

La nuit restera stérile ! Mon objectif, à ce stade, est presque atteint puisque je totalise 3 poissons de plus de 15 kg.

8ème 24H : En fait, le meilleur allait venir. Je passe la dernière nuit sur le poste de mon ami. A peine couché, j'ai l'impression que les poissons sautent dans le biwy tellement ils semblent proches du bord ! J'ai cette sensation qu'il va se passer quelque chose. Vers 2 h du matin, ma canne d'extrême bordure décolle. C'est au moment de soulever le filet de mon épuisette que je constate que c'est très lourd. Ce sera le plus gros poisson de la session.

 Les sauts répétés des poissons me laissaient présager le meilleur. Ce fut le cas !
Les sauts répétés des poissons me laissaient présager le meilleur. Ce fut le cas !

Mon approche voulait l'alternance des spots mais je décide tout de même de retenter ma chance au même endroit. Bingo ! Je touche de nouveau un très joli poisson.

J'ai bien fait de retendre au même endroit malgré ma préférence pour l'alternance des spots en pêchant si près. Comme quoi !
J'ai bien fait de retendre au même endroit malgré ma préférence pour l'alternance des spots en pêchant si près. Comme quoi !

Quelle adrénaline de prendre des poissons si proches du bord !! A seulement quelques centimètres !!

Au final, cette canne qui devait simplement me permettre de réaliser ce challenge s'est avérée être la plus efficace (niveau poids). Je devais réaliser 60 kg en 4 poissons. Finalement je prendrai 5 poissons de plus de 15 kg. Les 4 plus grosses atteignent un poids de 84 kilos !! Une belle moyenne (21kg) pour une canne qu'on aurait pu considérer comme « un joker ». Si je ne mettais pas lancé ce défi, je ne suis pas certain que j'aurais tenu cette approche si longtemps. Et surtout, je ne l'aurais pas pensée en amont. Cela confirme que nous passons parfois à côté de notre pêche alors que les poissons sont vraiment très proches. Excusez-moi l'expression mais nous sommes parfois un peu « cons sur les bords » de négliger pareille approche !

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