Au printemps 2019, j'ai réalisé 10 jours de pêche sur deux lieux différents. La logistique était plutôt lourde. La prise de conscience de ce « handicap matériel » a surtout lieu lorsque l'on change de poste, que l'on plie et qu'il faut s'amuser à jouer à Tétris pour pouvoir charger le bateau ou le véhicule. A peine la porte de ma voiture fermée, je me disais en moi-même : « Quel bordel !! Et dire qu'avant, j'allais à la pêche en 205 ! ». J'avais à cet instant une envie de pêche légère que j'ai toujours aimée pratiquer. C'était décidé, mon prochain challenge suivrait ce chemin : peu de matos pour réaliser des coups du soir ! Sur mon trajet, je ne pensais qu'à ça. J'avais pourtant 10 jours de session derrière moi … « C'est d'la folie » disait mon grand-père !
Objectif : Réaliser plus de 10 carpes en 5 coups du soir de courte durée.
Programmation : 5 soirs en mai du lundi au vendredi de 18h30 à 20h30.
Approche : Pour améliorer ses pêches rapides, il est essentiel de prévoir son approche tactique et technique en amont et en adéquation avec le lieu et le moment. En effet, on a tendance à assimiler ce type de pêches, et la pêche en général, à un côté aléatoire. Alors certes, notre passion à ce côté imprévisible, c'est indéniable, mais pas uniquement ! Il est possible, par les stratégies choisies, de provoquer nos résultats. L'optimisation de nos connaissances et expériences est encore plus primordiale lors de ces pêches éclaires que sur des sessions plus longues, la fenêtre d'action étant bien plus petite.
Je n'ai de cesse de la citer : « Ce que vous appelez chance n'existe pas. La chance est ce que certains accordent aux détails les plus infimes. » (Churchill).
Pour moi, cette citation illustre parfaitement notre loisir. Il est donc important de considérer le lieu de pêche (c'est-à-dire connaître le comportement des carpes dans leur milieu) et la météo pour mettre en place la meilleure stratégie. Les coups du soir n'y échappent pas. Et puis, impossible de parler de pêches rapides sans aborder le matériel nécessaire. Notre temps est compté, il est donc indispensable de s'installer rapidement pour être vite en action et être des plus efficients. Si sur deux heures il faut une heure d'installation, autant rester chez soi ! Je me contente ainsi de presque rien : un sac à dos, un petit fourreau, le matelas de réception et éventuellement un level chair. Cette sélection va me permettre de faire face à de nombreuses situations et pouvoir être facilement mobile et réactif.
Et puis tout est prêt par avance : eschage, filets solubles, pâte … Pas de place à l'improvisation.
Le lieu du défi
Ce défi se fera sur un étang situé en milieu forestier d'une superficie de 10 hectares.
Le cheptel se compose de carpes de tous poids allant jusqu'à 20 kilos environ. Ce plan d'eau présente une berge encombrée exposée nord et une plus ajourée exposée sud. Beaucoup d'obstacles sont présents (troncs, racines, branches…). A noter la présence de poissons chats très actifs à la belle saison. La pression de pêche y est moyenne. Il y a quelques temps que je n'y ai pas mis les pieds et à ma grande surprise lors de la prospection des lieux, le niveau d'eau est élevé malgré un manque de pluie notable. En effet beaucoup de sources alimentent cet endroit ce qui l'épargne pour l'instant de la sécheresse ambiante.
Je n'ai pas choisi l'endroit par hasard. Je souhaite faire des coups du soir. Il me fallait donc aborder un endroit où je savais que les carpes seraient susceptibles de s'alimenter la journée. La préparation en amont, comme expliqué plus haut, commence ici : utiliser ses connaissances et ses expériences pour mettre en place sa pêche.
Après plusieurs heures d'observation, je choisis un poste de pleine eau où se trouvent deux amas de troncs enlacés dans tous les sens (à 70m environ). Ces deux amas ne se distinguent pas à la surface alors qu'ils se trouvent juste en dessous. Le fond est plutôt vaseux mais présente quelques tâches de sable plutôt intéressantes à pêcher. A noter que cette zone est exposée Sud. Pour retrouver tous ces éléments, je me suis servi de mon fidèle Deeper Pro+.
Quel outil génial pour prospecter du bord sans y laisser des plombs, des marqueurs… Avec en plus l'énorme avantage d'enregistrer tout l'historique du sondage via l'application du smartphone et obtenir ainsi une carte bathymétrique précise du spot. Ce sondeur est en complète adéquation avec des pêches rapides. On peut effectivement utiliser une de ses cannes de pêche pour le propulser et en plus, il nous fait gagner un temps énorme au sondage. Le tout avec zéro encombrement.
Conditions climatiques
Nous sommes à une saison où les poissons commencent à fréquenter régulièrement la couche d'eau supérieure. Je souhaitais réaliser mes coups du soir lors d'une phase de dépression c'est-à-dire lors d'un temps plutôt agité (alternance d'un ciel couvert, de légères pluies, de courtes éclaircies, de vent …) avec des températures plutôt stables et clémentes. Lors de ces phases de perturbations, les poissons ont tendance à se tenir sur le fond et sont souvent réactifs à nos amorçages. J'étais donc attentif à la prévision météorologique afin de pouvoir dégainer dès qu'il le faudrait. La météo annonçait ce type de dégradation entre le 6 et le 10 mai (météo annoncée le vendredi 3 mai). Il était temps pour moi de mettre en place ma stratégie d'amorçage dès ce vendredi.
Amorçage
Je l'ai dit plus haut, les pêches rapides ne sont pas synonymes de non préparation, au contraire. Si l'on souhaite réaliser des coups du soir efficaces, il faut conditionner les poissons à s'alimenter lors de nos heures de pêches sinon à quoi bon amorcer ?
Je pêcherai entre 18h30 et 20h30. J'allais donc amorcer le vendredi, samedi et dimanche toujours vers 17h30-8h00. Ainsi les poissons sur zone ou proche de celle-ci devraient être poussés à se nourrir sur la tranche horaire qui nous intéresse. Sur le lieu abordé, les poissons réagissent normalement assez vite aux amorçages. Amorcer trop tôt provoquerait une activité trop en amont. En revanche amorcer trop tard engendrerait une activité trop en aval des heures souhaitées. Là encore, il n'y a pas de science exacte. Il s'agit de choisir en fonction du lieu, de la météo et de nos convictions. Pour ma part, le choix était fait.
Niveau appâts, je disposerai environ un kilo par soir de Peach And Mango mélangé à des Signal (1/4 de Peach and Mango et 3/4 de Signal en 14 mm). Utiliser de petits appâts a pour but de couvrir une zone assez grande et de garder plus longtemps les poissons sur le coup. Aussi, mon choix s'est porté sur des bouillettes protéinées car les carpes en ont besoin à cette saison alors que la nourriture naturelle n'est pas à son comble. Je disperse peu de Peach And Mango par rapport aux Signal car je souhaite les utiliser en eschage. En effet elles sont très visuelles pour une eau de ce type avec les conditions du moment (eau trouble avec faible luminosité) et très instantanées ce qui est parfait pour aborder ce genre de pêche.
Technique
Côté montage, j'utiliserai deux types de bas de ligne, tous les deux réalisés en Fluorocarbone SHADOW : un classique afin d'escher un bonhomme de neige et un Spinner Rig afin d'utiliser des Pop-Up neutres imbibées de Dropper Peach And Mango.
Ce dernier sera utilisé en limite de vase/sable. Le choix de la couleur des Pop-Up ne sera pas fait au hasard mais en fonction de la turbidité de l'eau et de la luminosité ambiante : orange et blanc/noir. Utiliser du SHADOW, par sa rigidité, nous assure que ça pêche, ce qui est important quand on a très peu de temps devant nous. Les inconvénients du Fluorocarbone, que sont sa maniabilité et sa mémoire aux nœuds, peuvent être facilement détournés grâce à une astuce à découvrir prochainement en vidéo.
Tresse ou nylon en corps de ligne ?
Pour accompagner les montages et donc augmenter l'attractivité et la stimulation de l'ensemble, j'agglomérerais de la pâte (produits ADD'IT) colorée en orange pour les mêmes raisons que données précédemment et j'utiliserai un mini filet de pellets Peach And Mango.
Cet étang présente quelques obstacles sévères et il est primordial de stopper rapidement les poissons avant qu'ils ne les rejoignent. Alors tresse ou nylon ? C'est une question que beaucoup de pêcheurs se posent. Tout dépend du lieu, des conditions et des poissons. Je m'en explique. Dans mon cas précis, j'avais opté pour de la tresse afin de les stopper rapidement. Cependant la traction trop forte fut responsable de deux décroches dès le premier soir sur des bouches un peu trop tendres. Je suis revenu rapidement au nylon qui permettait d'exercer une traction suffisante pour détourner les poissons sans pour autant « déchirer » les bouches. Il est donc important de prendre en compte tout ceci afin de s'adapter au mieux.
Jour 1 - Lundi
A l'image du vendredi, du samedi et du dimanche, le temps subit des perturbations : nuages conséquents, vent et pluie légère sont au rendez-vous laissant place parfois à de belles éclaircies. Pour une fois, la météo sera précise. Dès mon arrivée, je lance quelques billes dans la même proportion que pour le pré-amorçage mais en quantité bien moindre (2/3 poignées tout au plus), avec rappel si nécessaire. A 18h30, ça pêche. 20 minutes plus tard, j'enregistre un premier départ. Je bride le poisson pour l'empêcher de gagner un des deux amas de branches … décrochée ! 10 minutes plus tard, rebelote. Même scénario. 19h30 : 3ème départ ! Prêt à épuiser le poisson, l'autre canne démarre ! C'est la folie ! Urgence oblige, les deux poissons finiront dans le même filet !
En revanche, je comprends pourquoi j'avais décroché sur les deux premiers départs. Un des deux poissons, comme une partie du cheptel, a la bouche plutôt tendre. La tresse restera dans le sac pour la suite ! 20h : une miroir d'une belle longueur vient clôturer la soirée.
Jour 2 - mardi
Le rythme de touches est quasiment similaire à la veille. J'ouvre le bal sous une éclaircie éphémère.
3 poissons suivront sous un temps bien plus chaotique.
Jour 3 - mercredi
Le nombre de départs est en baisse. Je réaliserai tout de même 2 poissons de taille correcte.
Jour 4 - jeudi
Le temps est toujours agité même si les éclaircies sont plus dominantes que les jours précédents. Je toucherai deux poissons entre 19h et 20h dont une vieille connaissance à l'écaillure plutôt jolie.
Challenge validé !
Jour 5 - vendredi
Le ciel perturbé de la journée laisse place à un ciel magnifiquement dégagé en fin de soirée. Mais les températures restent les mêmes ce qui ne devrait pas trop perturber nos amies. Ce dernier soir sent pourtant le capot… jusqu'à ce qu'un bijou vienne clôturer ma soirée à 20h20 !! Et en prime, ce sera le poisson le plus massif de mes 5 sorties. Le soleil descendant la rend éclatante.
Conclusion
Des pêches rapides organisées et pensées en amont peuvent être redoutables d'efficacité. Je comptabiliserai 14 départs et prendrai 12 poissons en 5 fois 2 heures. Soit plus d'un fish à l'heure, sur un plan d'eau à densité moyenne de poissons ! Ces pêches éclaires souvent considérées comme bonus peuvent être bien plus que cela si elles sont bien réfléchies. A vos méninges !