Un an auparavant, un défi était né. Avec mon pote Bruno, nous avions réalisé une pêche plutôt correcte sur une gravière privée mais nous étions restés sur notre faim au vu du cheptel présent. Malgré quelques beaux poissons à la clef (dont une 27+), nous ne voulions pas en rester là et avions décidé de prévoir notre revanche au printemps suivant. Nous avions déjà en tête de réaliser « une pêche de rendement » sans avoir encore d'objectif très précis concernant le nombre de prises ou le poids de celles-ci. Cela paraissait encore loin. Mais le jour J, à peine arrivés sur les lieux, nous nous sommes lancés un défi un peu fou !
Direction le pays du magret pour essayer de faire quelques cochons. Et quand je dis « quelques » je me dis que le mot est peut-être mal employé...
Objectif
Réaliser une grosse pêche sur une gravière privée à forte pression : 100 poissons à deux pêcheurs lors d'une session de 9 jours.
Un lieu ciblé à fort potentiel
Notre destination est une gravière du Sud-Ouest d'une vingtaine d'hectares. Elle présente quelques hauts fonds mais dans l'ensemble la profondeur est plutôt homogène. La densité de poissons est bonne avec quelques sujets intéressants. La pression de pêche est quant à elle assez importante. Par conséquent, les carpes en voient de toutes les couleurs et y ont développé une certaine méfiance. Ce sera la seconde fois que je pêcherai ce domaine privé.
Conditions, approche et technique
Abordons tout d'abord l'aspect météorologique. En ce début du mois d'avril, les eaux se sont bien réchauffées surtout sur la localité où nous sommes. Le sud-ouest a cet avantage comparé à d'autres régions plus au nord ! Dans l'ensemble, sur nos 9 jours de pêche, la météo devrait être clémente et stable. Au plus bas de la journée, le thermomètre devrait descendre à 4°C et monter à environ 20 °C. Autrement dit la belle saison a commencé et les poissons devraient retrouver petit à petit une bonne activité alimentaire.
Niveau pêche, nous prenons quelques infos dès notre arrivée. Les pêcheurs présents font peu de touches malgré de bonnes conditions. Nous prêtons une attention particulière aux approches utilisées par nos camarades car il est possible que les poissons fuient certaines stratégies trop employées. Nous serons très attentifs à cela afin de créer un conditionnement positif qui prendrait le pas sur le conditionnement négatif impulsé par la pression de pêche. La clef de la réussite est souvent là ! Nous constatons que les bateaux amorceurs sont largement employés et souvent de la même façon. Le montage part, accompagné d'amorce en tout genre. Il est certain que les tâches sont considérées comme un danger par les poissons. C'est cette pratique qui influencera le plus notre prise de décision.
Arrivés sur notre poste, nous prenons le temps d'observer des comportements éventuels. Nous voyons beaucoup de marsouinages et de sauts dans la réserve qui se situe à la limite opposée de notre berge. C'est assez frustrant de premier abord car il sera impossible d'y tendre une ligne ou plutôt interdit. La réserve est d'ailleurs délimitée par des bouées visibles. Et de ce côté-là, hors de question de tricher ! Nous respectons toujours les règles donc il faudra faire avec. C'est aussi ça la pêche ! Qu'on le veuille ou non ! Après toutes ces constatations, il nous faut élaborer une stratégie ...
Les poissons semblent s'alimenter dans la réserve en toute quiétude. Les sauts, les marsouinages … ont lieu toute la journée ou presque. Cela montre la présence continuelle des poissons sur cette zone ! C'est décidé ! Nous allons amorcer la réserve dans le but d'essayer de décaler au fur et à mesure les poissons.
Dans un premier temps, les carpes s'alimenteront en toute confiance sur nos appâts disposés uniquement dans la réserve. Pour amorcer, nous utiliserons uniquement le cobra de façon à avoir un amorçage dispersé, à l'inverse des tâches réalisées par les bateaux amorceurs. La zone amorcée est loin de notre berge. Pour alimenter le spot, je ferai le tour à chaque fois (accès par une prsqu'île) afin d'amorcer par la rive opposée tout simplement. Concernant les appâts et la quantité, nous utiliserons un mélange de Signal et de RS1 en 14, 20 et 24 mm à raison de 5 kilos le matin et 5 kilos le soir.
L'amorçage très éparpillé permet de couvrir une grande surface ce qui devrait participer à mettre les poissons en confiance, espérons-le … A partir du troisième jour, nous décalerons progressivement notre amorçage vers notre zone de pêche. Il est important de noter que malgré le décalage, nous continuerons tout de même à alimenter la réserve. Pour optimiser encore plus notre stratégie qui consiste à déjouer la méfiance des poissons, nous amorcerons jusqu'à la fin de notre session avec des bouillettes délavées dans l'eau de la gravière (24h environ). Ces bouillettes délavées seront ensuite roulées dans un mélange de mix Add'it et d'Eazi Stick afin de marquer la surface amorcée de petites particules. L'excédent de farine et les bouillettes éclatées dans les fonds de seaux nous serviront à réaliser des sticks.
Nous ne laisserons pas tomber pour autant le bateau amorceur.
Nous l'utiliserons tout simplement pour déposer les montages sur notre zone de pêche qui est assez éloignée. Seul un stick (une canne sur deux) accompagnera le montage. Grâce au GPS intégré, le RT4 nous permettra de gagner du temps et d'avoir une grande précision. Pour une pêche de rendement à grande distance, cela est vraiment un avantage, de jour mais surtout de nuit.
Côté montage, nous utiliserons des bas de ligne assez longs en Shadow. Ceci dans le but d'apporter une discrétion maximale tout en gardant une mobilité accrue de l'esche. Cette dernière est d'ailleurs fixée à un cheveu très souple et long ; là encore pour des raisons de mobilité évidente. Nous ne mettrons pas tous nos œufs dans le même panier. Nous utiliserons aussi des chod sur deux cannes. En revanche, nous emploierons toujours des esches denses et de couleur similaire à l'amorçage (pour le bas de ligne en Shadow) et des pop-ups ternes pour le chod. Nous voulions avec les montages et esches utilisés, aller dans le sens de l'amorçage. Sinon à quoi bon ?
Nous pêcherons finalement à 5 cannes. 3 cannes assez distantes les unes des autres sur la zone amorcée et 2 cannes en plus ou moins proche périphérie.
Bienvenue en … frénésie !
Les premières 48h sont plutôt calmes. Nous ferons 4 poissons au total. Rien d'étonnant puisque notre amorçage se cantonne pour l'instant à la réserve. A partir du mercredi midi, alors que le décalage de l'amorçage a déjà commencé, tout va s'accélérer à vitesse grand V. Notre stratagème va porter ses fruits ! Nuits et jours, les départs s'enchainent avec de jolis poissons à la clef. 80 % des fishs sont réalisés sur les montages du fond avec tout simplement une bille dense comme eschage (délavée bien entendu). Quelques poissons se feront piéger sur les chod.
Les runs s'enchaînent tellement que nous décidons d'augmenter la ration assez rapidement. L'amorçage a maintenant lieu le matin, le midi, le soir et parfois en pleine nuit pour être sûr de maintenir l'activité des poissons. Une nuit, alors qu'on essuyait de fortes averses, Bruno m'a gentiment fait comprendre que je devrais gérer seul !! Crevé et rincé le gars ! Nous continuerons sur ce rythme quasi jusqu'à la fin. Seules les dernières 48 h furent plus calmes, mais tout de même …
Pour résumer simplement
Jour 1 : 2 poissons – Jour 2 : 2poissons – Jour 3 : 10 poissons – Jour 4 : 15 poissons – Jour 5 : 18 poissons – Jour 6 : 16 poissons – Jour 7 : 19 poissons – Jour 8 : 8 poissons – Jour 9 : 7 poissons soit au total 97 poissons à deux pêcheurs !! La moyenne réalisée est de quasi 13 kilos avec des fishs allant de 8 à 23.7 kg.
Un objectif raté ?
Notre stratégie mise en place était plutôt risquée car nous aurions pu tuer notre pêche par la quantité d'appâts utilisée dès le départ. Ce genre d'approche doit être « calculée » en fonction du cheptel, des conditions, des approches utilisées sur les lieux … afin de ne pas faire n'importe quoi. Mais même avec la prise en compte de tout cela nous aurions pu nous planter totalement. Balancer des appâts en se disant : « plus je vais en mettre et plus je vais avoir de chance d'attirer une masse importante de carpes » n'est pas forcément le bon raisonnement. Ce serait trop simple ! En tout cas, notre choix fut le bon car les poissons étaient rentrés, groins baissés, sur notre zone. Alors certes notre objectif de 100 poissons n'est pas atteint mais à 3 poissons près seulement !
Les 6 décroches, ce qui est faible sur 103 départs, nous coûtent l'objectif ! (Lol). Ce chiffre est finalement plus symbolique que représentatif car cette session, par une approche simple mais pas simpliste fut une véritable réussite et c'est bien là l'essentiel ! Au final, ce défi raté l'est-il vraiment ? A vous d'en juger ! Ce qui est sûr c'est que ce genre d'objectif n'est réalisable que sur des endroits ciblés, à fort potentiel. Tout demeure relatif ne l'oublions pas, surtout à la pêche.