L'écologie et les énergies renouvelables sont au centre des débats depuis de nombreuses années et si les recherches et essais se multiplient, les résultats finaux semblent parfois limités et constestés dans certains domaines. Après un essai sur Ouessant, des hydroliennes sont sur le point de voir le jour dans les grands courants du golfe du Morbihan.
Bertrand Fenart, que nous avons rencontré pour vous, nous explique pour quelles raisons ce projet ne doit pas voir le jour.
Bonjour Bertrand, pouvez-vous vous présenter brièvement, s'il vous plaît?
Bertrand Fenart - J'ai passé mon enfance sur la presqu'île de Monsarrac au départ, puis à Arradon, à quelques encablures du golfe. Par la suite, j'ai toujours passé mes vacances en Irlande où j'ai guidé à mes débuts. Ma vie professionnelle s'est déroulée ensuite à la direction opérationnelle ou commerciale de réseaux de magasins. En 2007, j'ai tout bouleversé en renouant avec des traditions familiales anciennes. J'ai passé un brevet de capitaine et le brevet de guide de pêche en VAE. Je me suis installé comme guide de balade/photo et de pêche à Arradon. Aujourd'hui je consacre essentiellement mon temps à ma passion en Irlande ou Norvège et bien entendu dans le golfe. Je suis très pris par l'association et je prépare une exposition photo, ma deuxième passion, sur le golfe pour le 8 octobre à Arradon. Elles seront tirées des milliers de photos que j'ai déposées au fil du temps sur mon site : http://www.golfemorbihan.com
Quel est le sujet du projet TIGER contre lequel vous luttez actuellement ?
Bertrand Fenart - Le projet Tiger nous concerne parce qu'il prévoit l'installation d'hydroliennes à l'entrée du golfe du Morbihan.
De quand date ce projet et quel est son état d'avancement ?
Bertrand Fenart - En fait, il existe un projet depuis une dizaine d'années, celui d'installer une vingtaine d'hydroliennes dans les courants du golfe du Morbihan. Aujourd'hui, on nous parle d'un test de deux hydroliennes dont les conséquences pour les pêcheurs seraient pratiquement les mêmes que pour le projet complet, c'est-à-dire l'interdiction de la pêche dans cet espace exceptionnel. Or, les courants de l'entrée du golfe sont une zone majeure pour la pêche de loisir très utilisée par les familles locales et qui nous apporte un nombre considérable de touristes chaque année.
La pêche à la dorade grise en famille est inter générationnelle et s'y pratique aussi les pêches plus techniques du bar et de la dorade royale. Cette zone concentre l'une des plus grosses densités de pêcheurs de loisir de France. Or la pêche de loisir est la plus importante activité de plein air du pays et nos politiques semblent l'ignorer complètement.
Il me semble qu'il existe déjà une hydrolienne à Ouessant depuis 1 an, quels sont les retours concernant son efficacité ?
Bertrand Fenart - Effectivement, et on se demande d'ailleurs pourquoi faire un test dans le golfe alors qu'il a déjà été fait, à Ouessant et ailleurs. A chaque fois les résultats ont été catastrophiques sur le plan du rendement financier et les aides publiques y sont absorbées en toute discrétion et sans bilan sérieux mis à la disposition de ceux qui payent, c'est-à-dire, nous à travers nos impôts.
Qui sont les parties prenantes de ce projet qui ont intérêt à le voir aboutir ?
Bertrand Fenart - Les montages sont assez complexes mais dans tous les cas ils permettent à certains d'y trouver un intérêt sans qu'ils aient les contraintes de la rentabilité puisque ce sont essentiellement des aides qui financent. Les politiques votent pour et mettent en avant ce projet d'énergie renouvelable tout en se gardant bien de dire que ce sont des projets de « pertes renouvelables ». Parfois, ils ne connaissent même pas le fond du sujet. Le thème permet simplement d'avoir des votes de la majorité des gens qui pensent que c'est bien pour eux et leur futur, ce qui est vrai en théorie, seulement si le projet est sincère et réaliste dans le temps. Sinon, il se fait aux dépends d'autres projets d'énergies renouvelables réellement prometteurs.
Quel recul existe-t-il sur l'efficacité des hydroliennes et surtout sur leur impact sur les différents écosystèmes ?
Bertrand Fenart - Tous les tests sont des catastrophes pour un rendement nul. Quand on pense que pour Ouessant on a dépensé plus de 10 millions d'euros pour produire 70Mwh dont la valeur marchande est de 10.000€. Et c'est sans compter qu'initialement ils voulaient dépenser 70 millions d'euros pour la relier à la côte… Et c'est la même entreprise qui va construire celle du golfe… Les risques et inconvénients sont infiniment supérieurs aux avantages. Au canada, l'hydrolienne traitée d'antifooling a provoqué la mort de milliers d'espèces dans les jours qui ont suivi son installation. Dans le golfe on va jouer les apprentis-sorciers : l'envasement en cours dont il est fait état dans le SMVM (le Schéma de mise en valeur de la mer, qui est un outil d'aménagement du territoire visant une meilleure intégration et une meilleure valorisation du littoral ndlr) sera mécaniquement augmenté. Aucune étude n'a été faite sur la circulation des poissons, céphalopodes et mammifères marins qui circulent en grande quantité. Notre attention est détournée vers la protection anecdotique de la zone du passage du câble mais rien n'est dit sur l'impact des turbines elles-mêmes. L'entretien sera impossible compte tenu du trafic et du peu de temps des étales de marées et ces hydroliennes finiront par rouiller sur un quai comme celle de Ouessant, à Brest, dans le meilleur des cas si l'on peut financer les millions d'euros nécessaires pour sortir leurs 360 tonnes de l'eau… Sinon elles resteront à polluer le fond du golfe.
Quels sont les risques écologiques pour le golfe si ce projet aboutit et pour les différentes activités de loisirs ?
Bertrand Fenart - Nous avons évoqué les risques écologiques. Sur le plan économique, il ne faut pas oublier que la pêche de loisir représente le double de la pêche pro. Tout le tourisme (camping, chambres d'hôtes, hôtels, restaurants etc.) sera impacté alors que les acteurs sont déjà dans une situation dramatique à cause du Covid. Les professions de guide de pêche en plein essor, les chantiers nautiques, les boutiques de pêche souffriront ou disparaîtront. Qu'en sera-t-il des zones majeures de plongée qui seront à proximité. A-t-on idée de la vitesse en bout de pale : c'est impressionnant. Nous mettrons rapidement sur notre site, en cours de réalisation, le dossier complet que nous sommes en train de finaliser et qui donnera les chiffres, des coûts et des résultats financiers, que nous avons difficilement réussi à collecter.
Les pêcheurs pro et les ostréiculteurs seront à terme touchés par le ralentissement du courant et les mélanges eau douce et eau de mer qui permettent la dilution des pollutions terrestres. Ils accuseront une fois de plus les mairies alors que l'eau n'a jamais été aussi propre. Beaucoup ne s'en rendent pas compte, mais s'étonneront dans quelques années de nouveaux virus qui viendront détruire le peu d'espèces d'huîtres qu'il nous restent. On verra aussi les algues se développer et les dépôts de vase excessifs faire disparaître la vie. Les risques sont volontairement ignorés et non évalués... Comme pour la température mondiale, une variation infime du courant peut avoir des répercussions en chaîne dramatiques.
Vous venez de créer l'association des pêcheurs du golfe du Morbihan, aujourd'hui combien avez-vous d'adhérents et surtout quels sont vos besoins en termes matériel et humain ?
Bertrand Fenart -Nous avons plus 120 adhérents en quelques semaines et le rythme demeure. Notre groupe Facebook « Pêche dans le golfe du Morbihan » a eu 600 demandes d'adhésion en un mois en grande partie à cause de ce projet. Notre groupe atteint 2300 membres et peut devenir une véritable force de frappe… Voici notre adresse mail pour nous joindre : association.pecheurs.golfe@gmail.com
Des actions ou manifestations sont elles prévues prochainement ?
Bertrand Fenart - Nous faisons un courrier à tous les élus et responsables liés au projet ainsi qu'aux financiers du projet. D'autre part, nous finissons d'étudier le dossier pour en faire un synthèse la plus complète possible et nous verrons quelles actions nous pourrons mener. Une pétition aussi sera mise en ligne prochainement.