Dans votre article publié en ligne le 5 mai dernier, de nombreuses informations concernant le projet expérimental d'immersion de deux hydroliennes dans le Golfe du Morbihan méritent d'être éclairées à la lumière d'une information vérifiée, vérifiable par tous et surtout véridique :
« Il existe un projet depuis une dizaine d'années, celui d'installer des dizaines d'hydroliennes dans le Golfe du Morbihan (...) » Cette affirmation est inexacte. Aucun projet encadré, donc légal, n'a évoqué la possibilité d'immerger « des dizaines d'hydroliennes » au cœur de ce Parc naturel régional.
En 2019, déjà, en toute clarté et non « en toute discrétion », la presse quotidienne régionale évoquait ainsi les prémices du projet Tiger auquel vous faites référence dans votre interview. Dans cet article du Télégramme, daté du 9 décembre 2019, il y est déjà question de deux études « rendues » dans le cadre de notre projet d'immersion expérimental de deux hydroliennes : https://www.letelegramme.fr/bretagne/hydrolien-dans-le-golfe-le-projet-avance-avec-prudence-09-12-2019-12454019.php
Sabella est une entreprise bretonne, fière de son ADN de proximité territoriale : notre porte est ouverte à TOUS les interlocuteurs de ce projet expérimental.
Aujourd'hui, soit deux ans après les premières fondations du projet concernant l'implantation expérimentale de deux hydroliennes aux abords de l'île Longue, dans le Golfe du Morbihan, où en sont les nouvelles études ?
Un rapport de près de 2.000 pages (faisabilité technique, impact sur la navigation, impact sur l'environnement, sur la faune, projections énergétiques, coûts...) a été rendu le 17 février dernier. En toute clarté et non « en toute discrétion ». À nouveau, tous les acteurs essentiels du Golfe du Morbihan ont été consultés (comité des pêches, comité conchylicole, élus, PNR, scientifiques...). Leurs avis seront joints au dossier qui sera communiqué dans le cadre de l'enquête publique qui s'ouvrira à l'été 2021.
Ce projet, comme il est écrit dans votre interview, « mènera-t-il à l'interdiction de la pêche dans cet espace exceptionnel » ? La réponse est claire : c'est non ! C'est bien parce qu'il est exceptionnel que cet espace naturel sera préservé et toujours ouvert à la pêche. Il n'a jamais été question d'interdire la navigation et la pêche sur le périmètre de la zone d'expérimentation. L'immersion des deux hydroliennes est ainsi programmée fin 2022, en pleine période hivernale afin d'impacter le moins possible la navigation. Des études, en l'occurrence environnementales, seront d'ailleurs menées tout au long de l'expérimentation et les résultats feront l'objet d'attentions légitimes.
« Les chantiers nautiques, les boutiques (...) souffriront-ils ou fermeront-ils » ? L'activité touristique s'en trouvera-t-elle pénalisée ? Même réponse que pour les activités de pêche : c'est non ! Le projet Tiger répond à la volonté de l'Europe et de l'État français de valoriser les énergies marines renouvelables, pour le bien commun. Et c'est bien parce que le bien commun inclut aussi la notion de « bien privé » qu'aucune activité, qu'aucun emploi, ne sera menacé.
Quant aux pêcheurs professionnels et aux ostréiculteurs qui seraient « à terme touchés », avec par exemple « l'apparition de nouveaux virus », aucune étude réalisée à ce jour sur l'implantation expérimentale de ces deux hydroliennes (et même dans le cadre d'autres projets) n'aboutit à de telles conclusions. Leurs comités professionnels ont d'ailleurs été consultés et, déjà, en 2019, le Comité régional des pêches donnait un avis favorable (lire l'article du Télégramme ci-dessus). Nous serons toujours à l'écoute de ces acteurs essentiels de la vie du Golfe.
L'exemple d'une pollution majeure au Canada provoquée en 2016 par « l'antifouling » d'une hydrolienne évoquée dans votre interview ? La lecture de cet article de Radio Canada, publié en 2019, éclairera vos lecteurs avec précision sur cette catastrophe écologique : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1011993/mortalite-massive-harengs-explications-scientifiques-peches-oceans-nouvelle-ecosse-acadie
Quant à la circulation « des céphalopodes, des poissons et des mammifères marins », aucune étude n'aurait été réalisée ? Nous invitons vos lecteurs à consulter ce site de l'Ifremer où ils trouveront des réponses claires – et scientifiques à cette problématique essentielle. Cet aspect environnemental et animal est bien évidemment pris en compte dans les études réalisées dans le cadre du projet Tiger. Et il le sera tout au long de l'expérimentation.
Toujours dans le domaine crucial de l'environnement, votre interview évoque « des variations des courants » aux « répercussions dramatiques ». Pour être très précis, il est sans doute fait référence à une étude scientifique publiée en 2020 par la revue Nature Energy. Des chercheurs ont en effet modélisé, sur des zones de 10 kilomètres de large, l'impact potentiel d'hydroliennes aux turbines de grands diamètres, immergées à des profondeurs de 26 à 40 mètres. Où ? Dans le Golfe du Mexique, en Floride, au Japon, uniquement sur les parcours des deux plus grands courants marins du monde : le Gulf Stream et le Kuroshio. Soit très loin des zones françaises (dont celle du Golfe du Morbihan), irlandaises, norvégiennes, écossaises ou anglaises qui n'ont pas fait l'objet de recherches dans le cadre de cette étude. Des zones européennes où, par ailleurs, de très nombreux essais et projets hydroliens sont en cours.
Et c'est bien parce que ces projets sont très encadrés que les futures deux hydroliennes expérimentales ne resteront jamais « polluer » le fond du Golfe, un parc naturel régional, par « manques de moyens ». Parce que l'Europe, l'État, la Caisse des dépôts et consignation, les collectivités territoriales du Morbihan et tant d'autres instances ne l'autoriseront jamais. C'est une évidente question de lois et la raison pour laquelle le démantèlement est anticipé dès le début du projet.
Concernant le projet de démonstration hydrolien à l'île d'Ouessant, il est faux d'affirmer que « Tous les tests sont des catastrophes pour un rendement nul ». Ce projet a reçu en 2012 une aide de la part de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) dans le cadre d'un appel à manifestation d'intérêt « Démonstrateurs Energies Marines Renouvelables », dans le cadre du Programme Investissement Avenir (PIA). L'hydrolienne D10 est une conception française, issue des bureaux d'ingénierie quimpérois. Cette dernière a été immergée et opérationnelle à deux reprises, entre 2015 et 2016 puis entre 2018 et 2019. Des aléas techniques, notamment sur le circuit de refroidissement et sur le système de connectique, normaux sur un projet technologique aussi complexe, ont ralenti le bon déroulement du projet, mais les équipes travaillent pour réparer et optimiser ce démonstrateur hydrolien à une troisième campagne d'essais. Les deux premières campagnes ayant permis de valider les principes technologiques de cette solution innovante et de former nos fournisseurs stratégiques aux spécificités du métier. Cela ressemble plus à un succès qu'à un échec.
Comme toute nouvelle filière, des investissements ont été réalisés pour accompagner l'innovation. Au-delà de l'aide de l'ADEME, le projet a également été financé par l'Union Européenne (fonds FEDER) et la région Bretagne et majoritairement par les actionnaires de SABELLA. La valeur ajoutée d'un projet de ce type n'est pas uniquement économique et mesurable en €/MWh sur quelques mois de production d'un démonstrateur, c'est avant tout un investissement technologique dont l'amortissement se fera sur plus de dix ans. De plus, la création d'emplois locaux, les collaborations avec des entreprises bretonnes ou internationales sur des projets de recherche et développement la préparation de l'émergence d'une filière industrielle ou encore la sensibilisation aux enjeux de la transition énergétique sont tout autant de retombées positives découlant du projet D10.