La semaine dernière, le Conseil Européen a validé une reconduction des quotas 2020 pour la pêche du bar. Ainsi, les pêcheurs de loisir restent contraints à un quota de 2 bars par jour et par pêcheur jusqu'au 30 novembre. Nous avons alors questionné Jean Kiffer, président de la FNPP (Fédération Nationale de la Plaisance et des Pêches en mer), sur cette actualité et sur les perspectives d'évolution de la gestion des quotas pour 2022.
Le Brexit a mis en pause les négociations sur les quotas de la pêche professionnelle et de loisir, quelles mesures auraient pu être appliquées en 2021 ?
Jean Kiffer - Les mesures des quotas annuels pour les pêcheurs professionnels et de loisir sont prises habituellement en fin d'année pour une application en début d'année suivante. Le plan pluriannuel de gestion des stocks de bars mis en place au niveau européen prévoyait une meilleure visibilité à moyen terme. Les démarches du Brexit ont créé l'inverse : une annonce tardive des quotas pour le début d'année ainsi que la reconduction des mesures 2020 pour 2021 annoncée tous les 3 mois, y compris en plein été, créant de l'incertitude chez les pêcheurs de loisir. La FNPP a dénoncé ces mesures !
La FNPP réclame depuis quelques années un quota de 3 bars par jour. Les données scientifiques permettent-elles d'envisager ce quota ?
Jean Kiffer - La FNPP demande 3 bars par jours sur 8 mois, plutôt que 2 bars sur 9 mois. Nous excluons dans notre demande le mois de mars, qui n'a aucun sens puisque le bar est en période de reproduction. Ça n'a pas été retenu alors que si l'on utilise les analyses du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, dont l'Ifremer pour la France), les mesures que nous demandions n'aurait pas plus d'impact que les mesures actuelles.
La FNPP a fait savoir à la Commission Européenne et à la DPMA mon mécontentement. D'autant plus que certains pêcheurs professionnels ont obtenu un assouplissement des prises accidentelles.
Avez-vous des nouvelles du projet de quota mensuel au travers d'un carnet de prises ?
Jean Kiffer - Cet outil qui permettra aux pêcheurs de déclarer leurs prises a été testé dans tous les pays d'Europe et les résultats sont probants. Les pays Européens sont donc confiants et nous devrions avoir une première expérimentation en 2022. La France sera moteur dans ce projet et la FNPP offrira un appui fort et sera pilote du projet. Si le quota mensuel cohabite pour la première année avec le quota journalier, nous continuerons à demander 3 bars par jour par pêcheur à partir d'avril, en mettant de côté le mois de mars.
A la fédération, nous utilisons activement la version béta de l'outil créé par FishFriender. Récemment, la DPMA a demandé une enquête sur les prises de la pêche de loisir via "France Agrimer". J'ai invité les membres de la Fédération à participer activement. Les premiers retours de l'enquête donnent un nombre de pêcheurs de loisir en mer autour de 4 millions, incluant la pêche à pied et les pêcheurs sous-marins. L'ancienne enquête donnait 3 millions. Cela montre un poids économique plus important de notre loisir.
Je pense que l'enquête a intégré les pêcheurs très accidentels, par exemple les voiliers qui ne mettent à l'eau une ligne qu'une à deux fois par an.
J'en retiens que nous représentons un poids économique et sociologique et un nombre d'emplois considérable qui doit être pris au sérieux par les décideurs.
Ce projet concernerait-il d'autres espèces que le bar ?
Jean Kiffer - Oui, notamment le cabillaud et le saumon à minima, qui sont reconnus en difficulté au niveau scientifique.
Je profite de ce sujet pour dénoncer les massacres effectués sur les maquereaux en Manche et Mer du Nord par les chalutiers hollandais au printemps. L'effet est immédiat, il est cette année très difficile de toucher du maquereau pour les pêcheurs à la ligne.
Quelles sont les prochaines actions ou réunions de votre agenda à propos des quotas 2022 (Europe, Ministère...) ?
Jean Kiffer - Nous attendons les élections qui sont un moment très favorable. Nous interrogerons les candidats dans un premier temps pour connaitre leur positionnement. Puis, en 2022 nous allons amplifier considérablement nos actions de lobbying. Je ne peux en dire plus pour le moment, une annonce sera faite prochainement sur le site de la FNPP (ndlr : www.fnppsf.fr).
Nos relations avec la DPMA s'améliorent, nous avons de bonnes relations avec le nouveau directeur Eric BANEL. Malheureusement, les contraintes restent fortes de par le positionnement de certains élus du gouvernement et certains sujets restent figés, dans une impasse.
Il est à noter que nous avons déposé deux plaintes à propos de la pêche du thon rouge contre la DPMA qui doit se justifier au Conseil d'Etat. Les petits métiers de la pêche professionnelle en ont fait de même sur le sujet du thon rouge. L'état a d'ailleurs été condamné très récemment sur la façon dont il réparti les quotas de thons rouges. Ces quotas influent sur le nombre de bagues qui nous sont octroyées et je pense que nous n'aurons pas de mal à justifier de notre faible impact sur l'environnement en tant que pêcheurs responsables. Les pêcheurs de loisir peuvent facilement décider de remettre leurs prises à l'eau dans de bonnes conditions.
A ce titre, il est prévu que la FNPP soit reçue par la Ministre de la Mer en septembre pour les problématiques du thon rouge et du bar ; nous devrions alors être accompagnés par des députés LREM.
Nous espérons également avoir des réunions avec Jean Castex et le Président de la République pour avancer sur ces sujets.
D'autres réunions sont prévues au Parlement Européen pour que la FNPP soit bel et bien actrice de la mise en place du projet de carnet mensuel de prises dès 2022.