Écoutez cet article
Que se passe-t-il dans certaines rivières ?
Nous avons enfin pu retourner au bord de nos chères rivières de première catégorie à la recherche de nos salmonidés préférés. Certains d'entre vous ont cependant pu constater avec stupeur des dizaines de truites et ombres recouverts de taches blanches, parfois encore en vie, mais bien souvent déjà morts. De nombreuses rivières françaises telles que la Loue, le Doubs franco-suisse et ses affluents, la Touvre en Charente ou encore plus récemment la Sorgues dans le Vaucluse sont particulièrement impactées par le phénomène. Mais que se passe-t-il dans nos rivières françaises ?
La saprolégniose, une sorte de champignon oomycète
La maladie responsable de ces hécatombes se nomme « la saprolégniose ». Il s'agit en réalité d'un micro-organisme de la classe des Oomycètes au nom latin barbare de Saprolegnia parasitica et qui affecte les poissons sauvages comme ceux d'élevage. Lorsqu'il contamine un poisson, il se développe sur sa peau et la ronge. On observe alors en premier lieu des points qui s'étendent peu à peu pour former des excroissances blanchâtres à l'aspect cotonneux. L'oomycète finit par envahir tout le corps de l'animal et le condamne à une mort certaine en quelques jours à peine.
Bien que cela puisse surprendre au premier abord, cette sorte de champignon est pourtant bien naturellement présente dans la plupart de nos cours d'eau. De plus, il n'existe pas de souches plus ou moins virulente et les poissons ne sont pas contagieux les uns avec les autres comme cela pourrait être le cas s'il s'agissait d'un virus.
Une maladie qui affecte les poissons les plus fragiles
Les plus gros épisodes de mortalité chez les salmonidés (en particulier chez la truite fario et l'ombre commun) interviennent aussi bien sur les parties aval qu'en amont des rivières et juste après la fraie entre janvier et mai. Ceci n'est pas un pur hasard, car la fraie est un événement dans le cycle biologique des poissons qui les affaiblit énormément. Et justement, la saprolégniose s'attaque aux poissons les plus fragiles (souvent donc les géniteurs) qui sont en état de stress et avec de faibles défenses immunitaires. La saprolégniose ne cause donc pas d'infection sur les poissons sains, mais certaines causes autres que la fraie peuvent favoriser le développement de la saprolégniose sur les poissons.
Les causes environnementales et anthropiques qui favorisent le phénomène
Certains facteurs semblent augmenter les risques de l'apparition de la saprolégniose chez les salmonidés. Plus la fraie des poissons intervient tard dans la saison, plus le phénomène semble prendre de l'ampleur. De plus, comme vous avez notamment pu le remarquer, nous faisons face à des années de plus en plus sèches et les niveaux de certains cours d'eau peinent à remonter en début de saison ce qui placent les poissons en état de stress permanent.
D'après les études scientifiques sur le sujet, les pollutions d'ordre domestiques et industrielles ne semblent pas être les premiers facteurs de déclenchement de la saprolégniose (bien que les rejets d'égouts puissent amplifier le phénomène). Cependant, tout semble incriminer l'ammoniaque des lisiers agricoles. Le lisier, constitué des déjections des animaux d'élevage, est utilisé par les agriculteurs comme engrais organique pour les cultures. Il est notamment épandu en début d'année sur les champs pour enrichir les sols et lancer la germination des graminées. Le lisier s'infiltre alors avec les pluies dans les eaux courantes et contribue à saturer les milieux aquatiques en ammoniaque.
Ces épandages de lisier semblent ainsi être parmi les facteurs déclencheurs de la saprolégniose chez les truites et les ombres. Je vous laisse consulter l'étude portée à ce sujet de Didier Pruneau, pharmacologue et docteur en biologie appliquée. À noter également que l'ammoniac est un des principal rejet des piscicultures de truite notamment. Paradoxal non ?
Des solutions ?
Bien qu'il existe des solutions en aquaculture en milieu fermé, il n'existe pour le moment pas de traitement possible en milieu ouvert. Des possibilités existent cependant pour limiter l'impact du phénomène et tenter de préserver les populations sauvages. La plus évidente et pourtant la plus compliquée à la fois à mettre en place serait de limiter voire même d'interdire les épandages de lisier ainsi que les rejets de pisciculture. Pour rappel, l'épandage de lisier doit faire l'objet d'autorisations et de déclarations.
Sur les rivières les plus touchées, la mise en place de parcours no-kill pourrait être une solution pour limiter l'empoissonnement de truites de souches d'élevage. On pourrait même imaginer la fermeture complète de certains parcours si le phénomène prenait une ampleur trop importante.