Paroles de guide / Guillaume Fourrier : « Me reconnecter avec ma passion en devenant moniteur-guide de pêche »

Guillaume Fourrier, moniteur-guide de pêche

Guillaume Fourrier a depuis de nombreuses années travaillé pour des marques de pêche de renom. Passionné depuis sa jeunesse, Guillaume a décidé de se consacrer au métier de moniteur-guide de pêche pour partager ses nombreuses connaissances.

Bonjour Guillaume, peux-tu dans un premier temps te présenter aux lecteurs de Pêche.com ?

Je suis guide de pêche à Dieppe en Normandie, j'ai 42 ans et suis passionné de pêche depuis l'âge de 13 ans. Je possède 28 records de France et du monde de pêche en mer pour la prise de gros poissons homologués. Côté métier avant le guidage, j'ai fait carrière dans la pêche avec les rôles suivants : chef de projet informatique Illex (Sensas), chef de produits & team manager Sakura (Sert) puis directeur marketing Daiwa durant 9 ans.

À la racine de cette carrière, dès l'adolescence, j'ai eu une forte envie de partager mes expériences de pêche en mer en créant mon site web en 1999 afin d'expliquer les techniques de pêche du bar en particulier. J'ai rencontré quelques passionnés déjà connectés, puis j'ai créé avec l'un d'entre eux un nouveau site et une association PecheWeb.com qui a connu un vrai succès. Nous avons organisé des week-ends de pêche en Bretagne, participé au lancement de la première compétition Open Bar et avons participé à de gros salons en Belgique et en France.

Lors du salon Nautic de Paris en 2005, Sensas me propose de refaire le site web Illex.fr avec une base de données sur mesure. C'était passionnant, Hiroshi Takahashi œuvrait pour cette marque et a adoré l'outil que j'ai développé. Ensuite, Sert m'a proposé de développer les produits pour la marque Sakura et un an plus tard, Daiwa m'a contacté. Tout allait trop vite, j'ai refusé la première offre de Daiwa mais ils sont revenus à moi 2 ans plus tard avec une proposition qui a marqué un tournant dans ma carrière. Je suis devenu directeur marketing du fabricant japonais à 29 ans ! J'ai tout donné et je me suis épanoui en contribuant à améliorer la gamme pour les pêches en mer, en mettant en connexion Beneteau et Daiwa au lancement du Barracuda Tour, en refaisant le site web ou encore en développant considérablement les catalogues. Le chiffre a doublé en 9 ans, et j'ai décidé de passer à autre chose pour me reconnecter avec ma passion en devenant moniteur-guide de pêche sur la belle côte d'Albâtre, au départ de Dieppe où je suis installé.

Avec le chanteur Carlos sur le stand de PecheWeb.com
Avec le chanteur Carlos sur le stand de PecheWeb.com

Pourquoi es-tu devenu guide de pêche ?

Durant mes études de 18 à 23 ans, j'ai travaillé 2 à 3 mois l'été en tant que nageur-sauveteur en mer. Six jours sur sept, j'assurais la surveillance des plages. Cette vie me plaisait, entre les entraînements sportifs, la prévention à pied ou en semi-rigide au cœur des vagues, les petits soins du quotidien... Mon sens de l'eau et des marées s'est considérablement développé. À l'issue de cette période, je me suis lancé dans la vie associative avec mon site web, déterminé à le professionnaliser. Mes journées étaient partagées entre les parties de pêche, la pédagogie (articles, échanges sur mon forum) et le développement informatique. C'est là que j'ai senti que j'aspirais à transmettre ma passion et à être sur l'eau. Après avoir quitté Sakura, alors que mon contrat de directeur marketing chez Daiwa était signé, je me suis inscrit au lycée maritime et j'ai obtenu mon registre de marin provisoire. Ma femme me prenait pour un fou, elle avait raison ! Finalement, j'ai profité de mon temps libre avant ma prise de poste pour garder les enfants pendant que ma femme se formait pour devenir enseignante. Un choix familial beaucoup plus cohérent.

Guillaume a occupé le poste de directeur marketing chez Daiwa
Guillaume a occupé le poste de directeur marketing chez Daiwa

Après 7 années passionnantes sur un poste stratégique, le Covid est arrivé et m'a permis de travailler de la maison, sur le littoral Dieppois, tout en obtenant des résultats probants. Malgré cela, le télétravail ne s'est pas inscrit dans les habitudes de la société et j'ai décidé, progressivement, de préparer mon nouveau projet. J'ai passé 2 années à pêcher intensivement en Normandie pour mieux connaître ma zone, peaufiner mon programme, trouver des zones peu pêchées et des postes de replis afin d'optimiser les résultats de mon programme de guidage.

Prendre le temps de prospecter
Prendre le temps de prospecter

Quels types de produits de guidage proposes-tu ?

Pour le moment, je me concentre sur un unique programme de pêche hauturière au large de la Normandie, en dehors des sentiers battus. J'ai essayé de bien transmettre le programme sur mon nouveau site www.guillaumefourrier.fr. Au départ du port de Dieppe, nous prenons le large pour une pêche multiespèces. Plus de 20 espèces de poissons peuvent être prises tout au long de la saison. Parfois sur une journée, on prend plus de 10 espèces, en particulier lorsque nous visons les turbots sur les ridens où de nombreux autres poissons peuvent mordre. J'organise la pêche en guidage avec la même exigence que lorsque je cherche les poissons record, dans le but de trouver du beau poisson noble : bar, lieu jaune, dorade, turbot, raie... La préparation de la pêche se fait sur le logiciel TimeZero avec une analyse des relevés satellitaires de vent, taux de plancton, courant de marée, courant océanique, pour planifier la journée à la minute prêt. Je croise tout cela avec mon carnet de pêche pour choisir les meilleures options. Si dans ma tête tout est planifié avec rigueur, le client vient les mains dans les poches et profite de la journée en toute convivialité. Il bénéficie des résultats, sans les contraintes.

Un bateau à cabine tout équipé pour le confort des pêcheurs
Un bateau à cabine tout équipé pour le confort des pêcheurs

Nous naviguons dans un bateau à cabine Barracuda 7 full-option propulsé par un moteur Suzuki 200cv flambant neuf millésime 2024. J'ai tout réagencé à bord en démontant les sièges d'origine et en fabriquant du mobilier sur mesure pour être capable d'asseoir 5 personnes en cabine lors des navigations au large. À bord, il y a tout pour le confort : café, frigo, WC, eau douce… L'accueil se fait au port de Dieppe, les pieds au sec. Un parking gratuit est à disposition. Je prends 3 à 4 personnes pour assurer cette prestation de qualité.

Des équipements électroniques à la pointe de la technologie
Des équipements électroniques à la pointe de la technologie

Qu'est-ce qu'être guide de pêche pour toi ?

Je pense qu'il faut se mettre au service du client, de l'élève, afin que son expérience en mer soit la plus épanouissante possible. Il faut comprendre l'attente du client : passer un bon moment sans contrainte, apprendre une technique, progresser, se perfectionner. En fonction de cela, l'objectif à atteindre n'est pas le même. Voilà l'essentiel du métier, ensuite, il faut être professionnel comme dans tout métier : être en avance pour accueillir les clients à l'heure convenue avec tout le matériel prêt à faire feu, assurer la pêche en toute sécurité, être pédagogue quel que soit l'objectif du client.

Se mettre au service du client
Se mettre au service du client

Tu pêches ou pas lorsque tu es en guidage ?

Non, je ne pêche pas. Je montre le geste à la première dérive à chaque nouvelle technique, et ensuite, je regarde attentivement comment mes élèves utilisent le matériel afin de les orienter au besoin pour qu'ils obtiennent de bons résultats. Si l'un des élèves a moins de touches, je n'hésite pas à échanger les cannes pour le mettre en confiance. Avec la canne qui a pris du poisson, je lui ôte d'un doute matériel et il se concentrera mieux sur son maniement. Pendant ce temps, je surveille l'électronique, je prépare les appâts lorsque nous en utilisons, je gère l'épuisette et je décroche les poissons. Croyez-moi, ça occupe !

Les clients ne paient pas une prestation haut de gamme pour me voir pêcher et leur faire une démonstration. En revanche, si vraiment il n'y a pas de touche alors que les poissons sont visibles au sondeur, je ne m'interdis pas un petit coup de ligne discrètement pour lever le doute avant de changer de spot.

Orienter les clients pour obtenir des résultats
Orienter les clients pour obtenir des résultats

Que fais-tu lorsque tu ne guides pas ?

Je reste dans la pédagogie, j'écris des articles sur la pêche en mer et en eau douce, j'écris un livre par an. Je prépare régulièrement le bateau pour que tout soit toujours opérationnel et propre. Je passe aussi beaucoup de temps à étudier ma zone de pêche sur le logiciel TimeZero, c'est un peu mon livre de chevet.

Quel regard portes-tu sur le guidage en France ?

En France, la qualification des moniteurs-guide est complète et sérieuse. La formation BPJEPS et l'unité complémentaire UCC « pêche de loisir en milieu maritime » sont les diplômes d'État nécessaires à l'encadrement de public en mer. Cependant, le métier reste peu pratiqué. Il doit se structurer davantage pour mieux faire face aux pratiques parallèles low-cost, non qualifiées et non assurées. En parallèle, certains guides diplômés pratiquent le guidage à côté de leur activité principale, ils appliquent parfois des tarifs très bas. Casser les prix n'est pas bon pour la profession, un guide à plein temps ne peut pas s'aligner et tenir sur la durée avec les charges et les reports réguliers dus aux intempéries. Mais certains guides font un travail de qualité, bien valorisé, et sur le long terme. C'est de ces quelques pêcheurs dont je me suis inspiré pour créer mon activité de moniteur guide de pêche à Dieppe. L'avenir me dira si j'ai eu raison.

Je constate aussi que de plus en plus de guides se forment, les représentants de notre métier se structurent (Syndicat et Fédération des guides) et j'ai le sentiment que le métier de moniteur-guide de pêche ne peut que se renforcer dans l'avenir.

Valoriser le métier de guide de pêche
Valoriser le métier de guide de pêche

Quel(s) conseil(s) aurais-tu à donner aux personnes qui souhaiteraient se lancer dans cette aventure ?

Pour ne parler que du guide de pêche en mer, c'est un métier difficile et précaire. Je conseille de démarrer une autre activité afin d'économiser suffisamment pour acquérir un bateau. La banque fera très difficilement un crédit pour un bateau dans le cadre d'une création de société de guide de pêche. Une fois le bateau acquis, il faut bien prospecter sa zone de pêche, essayer d'amener des amis et de les faire pêcher, sans toucher la canne, pour voir si le fait de faire réussir les amis et vivre ce moment par procuration vous plaît vraiment.

Si l'objectif est d'aller à la pêche sur le temps de travail, je déconseille d'aller vers cette voie, c'est voué à l'échec. Si le fait d'amener une personne à la réussite en lui faisant prendre du poisson vous plaît, c'est déjà un meilleur signal.

Ce sont des conseils de père de famille. Mais par-dessus tout, il faut de la passion, beaucoup de passion pour la pêche et la mer. C'est le moteur pour surmonter les nombreux obstacles de l'entrepreneuriat et de l'administratif qui vous attend.

Il faut aussi se préparer à la sécurité, car vous aurez la responsabilité de clients à bord, il faut être parfaitement conscient des dangers (hauts-fonds, météo…).

À la clé, il y a des journées fatigantes mais épanouissantes, c'est certain. Mais je préfère une journée de guidage difficile à une journée à broyer du noir devant un écran.

Toujours se fixer de nouveaux objectifs
Toujours se fixer de nouveaux objectifs

En tant que pêcheur, quel est ton rêve ?

J'ai coché par mal de cases à la pêche en France et jusqu'au bout du monde en Nouvelle-Calédonie. Mais je prends plaisir à toujours progresser dans de nouvelles techniques. En 2024, je retourne 2 fois en Espagne pour pêcher le thon avec les meilleurs spécialistes et je traverse la Manche avec mon bateau pour pêcher en Angleterre les requins-hâ et les émissoles pour ne citer qu'eux. En France, je dirai que mon prochain challenge sera de prendre un gros turbot et battre un nouveau record de France, ce serait formidable ! Et je rêve aussi de capturer au large de Dieppe de la julienne. Je sais qu'il y en a un peu en Normandie. J'ai 200 espèces à mon actif, mais je n'ai jamais touché ce poisson.

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