Souvenir de pêche / Surprise pour les amis pêcheurs au bord de l'Allier, à Langeac

© Kizou Dumas

Tout avait pourtant bien commencé. L'enthousiasme était de la partie, la rivière était en ordre. Quelle surprise cette nouvelle journée de pêche entre amis pouvait-elle bien nous réserver ?

Cosmonaute ou bibendum

Nous arrivâmes en trombe et nous garâmes les voitures sous le couvert des marronniers, tout au milieu de l'esplanade qui borde l'Allier. Les portières claquèrent et comme un seul homme, nous nous précipitâmes vers la rivière pour en jauger l'allure. Pas le moindre effleurement en surface, ni le plus petit indice d'activité de la faune aquatique. Mais l'eau était claire et le niveau propice : c'était bien l'essentiel.

Rassurés, confiance restaurée, nous avons alors revêtu vestes et imperméables pour parer à la fraîcheur matinale. En un clin d'œil, sur les traverses de chemin de fer entreposées à l'entour, on déposa thermos de café, tasses et gobelets, brioches et croissants. « Brésil au ventre » comme il plaisait à René Fallet de surnommer le noir breuvage, chacun put enfin s'équiper. Un grand moment de gymnastique volontaire ! Plonger dans les waders, lacer les chaussures de plomb, enfiler veste, imperméable et gilet, puis enfin visser l'indispensable casquette : le pêcheur à la mouche artificielle ressemble davantage à un cosmonaute ou à un bibendum qu'à un vrai sportif.

Truites, ombres et éléphant

Parée comme une fanfare en goguette, la joyeuse bande se dispersa au long du très grand lisse qui lèche les murs du foirail à Langeac, département 43. L'entrée dans l'eau ne fut pas d'une totale discrétion. Mais une fois installé, pantalon immergé jusqu'à la ceinture, chacun retrouva la concentration nécessaire pour séduire truites et ombres. Les gobages ne tardèrent pas à apparaître. Déjà, les tacons tapaient dur sur les pallaretas et autres mouches noyées. L'atmosphère se détendit après les premières prises : les commentaires admiratifs et les jurons résonnèrent au-dessus de l'onde. On se moqua, on pesta, on s'invectiva, sans toutefois jamais se départir de son humour.

Jacques, exhibant un superbe ombre à la vue de ses voisins, lança soudain :

"-Ohé, Carmelo, retourne-toi. Y a un éléphant derrière toi.

-Sans blague, répliqua Carmelo. Et pourquoi pas des crocodiles !

-Sans blague, Carmelo, y'a un éléphant qui tourne autour de ta bagnole

-Autour de ma bagnole ? Hoqueta l'intéressé en se retournant vivement."

À la vue du pachyderme apparemment paisible, les yeux écarquillés et le pied incertain, Carmelo, chahuté par les courants, entreprit une savante mais périlleuse reculade. L'imposant animal cueillant quelques ramures de marronniers, la trompe ballante et l'œil vitreux, s'approchait de la berge. Suivant en cela la stratégie initiée par notre ami, nous nous déployâmes au plus large autour de l'éléphant qui se désaltérait. Sans pour autant céder à la panique, nous levâmes le camp bien plus rapidement qu'à notre arrivée. Les véhicules démarrèrent en douceur. Tout juste avons-nous aperçu des roulottes et des caravanes garées au fond de l'esplanade.

Ce soir-là, lors de la représentation de l'Olympic Circus à Langeac, Roméo, l'éléphant, fut accueilli par un triomphe. Le bruit avait couru sous le beau chapiteau jaune et rouge, qu'il avait mis en déroute une troupe de pêcheurs. Rassurez-vous : sa placidité n'en a pas souffert !

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