Souvenir de pêche / La levée Morin sur le Lignon, rivière emblématique de Haute-Loire

© Kizou Dumas

Il est des lieux de pêche qui façonnent l'histoire du pêcheur, comme la levée Morin sur le Lignon. Les sensations ou les plaisirs qu'on y connaît, qu'on y a connu, sont susceptibles d'entraîner une forte rémanence. Jusqu'à ne plus savoir exactement dans quel monde on vit.

Une rivière emblématique

Le Lignon est la rivière emblématique de la Haute-Loire. Il prend sa source au pied du Mont Mézenc pour se fondre dans les eaux de la Loire au terme d'une course de 85 kms. Son cours est entrecoupé de quatre barrages et de nombreuses levées qui détournent momentanément le flot.

La levée Morin à Tence présente un long parcours lisse de 250 m environ, barré à l'aval par une petite digue en pierres. À cet endroit précis, le Lignon délaisse la première catégorie piscicole pour entrer momentanément dans un secteur de deuxième catégorie. C'est l'entrée du barrage de Lavalette, réserve d'eau de la région stéphanoise. Les truites, nombreuses et souvent de belle taille, y côtoient les chevesnes, les perches et les brochets.

Quand je suis venu m'installer en Haute-Loire, j'ai souvent pêché ici avec ma mère. Elle était déjà âgée mais, malgré tout, elle avait gardé ce goût immodéré pour la pêche à la ligne, passion qu'elle partageait autrefois avec mon père. J'éprouvais toujours un immense plaisir à vivre ces moments privilégiés avant qu'elle ne nous quitte pour un monde meilleur. Un au-delà où, parait-il, existent de belles rivières et où les parties de pêche ne connaissent jamais de bredouille. Et même si ce ne sont que des histoires que l'on raconte aux enfants pour consoler leur chagrin, moi, j'y crois, au grand voyage !

Un spectacle étonnant

Un jour d'automne, j'ai assisté à un spectacle étonnant dans ce lieu. Je m'étais réveillé de bonne heure, je n'avais rien prévu pour occuper ma journée. Il faisait beau. Je décidais donc soudainement d'aller à la pêche. Direction, la levée Morin ! Quelques dizaines de minutes plus tard, j'étais là, au pied de la levée et au pied levé. Aussitôt, je ressentis une impression bizarre, comme si un vent nouveau soufflait doucement sur cette portion de rivière. C'est alors que j'ai vu des dizaines de truites tenter de franchir le mur de ce petit barrage en remontant le courant à la manière des saumons d'outre-Atlantique. Ce fut la seule fois où je fus témoin de ce phénomène. L'événement ne s'est jamais reproduit, tout au moins en ma présence. 

Un petit air du Québec

À cette époque également, on pouvait parfois surprendre un couple de castors qui occupait les berges du Lignon. Pendant quelques minutes, je me suis retrouvé en Haute Mauricie au Québec. Je me suis revu au bord de la Wapous* que j'ai eu la chance de pêcher avant qu'elle ne vienne alimenter le réservoir Gouin. En retournant à la voiture, circonstance peu fréquente, j'ai été assailli par une nuée de moustiques et autres maringouins arrivés tout droit de cette lointaine province canadienne. Ne manquaient plus au tableau que des mouches à feux en folie et des ouaouarons ! 

Aucun doute, ce jour-là, un petit vent venu du Québec avait soufflé sur l'entrée du barrage de Lavalette, au pied de la levée Morin.

 

* Même si on n'a jamais vu la queue d'un saumon dans la Wapous.

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