18ème Coupe de la Haute-Loire, suite et fin de la compétition mouche

© Kizou Dumas

Si les concours amicaux de pêche à la mouche se déroulent toujours dans une ambiance conviviale, il n'en reste pas moins que l'enjeu de la compétition renforce la détermination des concurrents. Soit bien pêcher, mais aussi battre les autres équipes. Le résultat final ne tient parfois qu'à un cheveu !

Être dans les temps

En retournant vers les berges du plan d'eau, la concentration est à son paroxysme, nonobstant les vapeurs emmagasinées pendant le repas. Chaque équipe établit son plan de bataille pour gravir les échelons. En fonction de son propre classement, mais aussi en tenant compte de celui des autres binômes. En nous dirigeant vers le poste treize, Mario et moi répétons nos consignes : un poisson par manche minimum, mise à l'épuisette par l'équipier obligatoire.

C'est reparti ! Quarante-cinq minutes pour prendre un poisson, cela peut paraître très long quand nous n'avons pas de touches, ou trop court quand la nervosité s'empare du pêcheur. Au bout d'une bonne demi-heure, suivant à la lettre le conseil de Mario, en ralentissant au maximum la récupération, je prends le poisson. Ouf ! nous sommes dans les temps.

Au poste numéro deux, c'est Mario qui réussit à en décider un, que j'empoche prestement.

Pendant la septième manche, la chance nous abandonne. Nous marquons un nouveau capot, mais il apparaît clairement que, du côté des poissons, l'heure n'est plus propice à l'activité ou à la fantaisie.

L'aiguille tourne

Huitième et dernière manche : ultime chance de garder notre place du matin. L'espace est plaisant et dispose d'une avancée partagée avec l'équipe voisine. Mario, toujours aussi persévérant et attentif, s'installe à la pointe du poste et tente d'allonger le shoot pour dépasser les lancers des concurrents de droite. Personnellement, je me tiens sur la gauche, dans l'anse, où je côtoie un tout jeune pêcheur, nouvelle recrue du Club Mouche tençois. Le petit gars pêche proprement en variant méthodiquement deux techniques différentes.

Je monte un ultime booby noir. Quelques menus gobages apparaissent vers la ligne fatidique des trente mètres. L'aiguille tourne. Il se prend de rares poissons sur des quais éloignés. Mario et moi, rien, pas un soupçon de touche.

Le jeune écolier relève sa canne brusquement. Raté ! Il relance prestement. Rebelote. Cette fois, son coéquipier s'empresse avec l'épuisette. Je cours mesurer leur prise et note trente-cinq centimètres sur la feuille.

Nous, toujours rien. Comptant sur un regain d'appétit ou de peps des truites, j'allonge la soie au plus loin. Poser correct. Même s'il ne nous reste que quelques minutes, je m'applique à ramener le booby en tricotant la soie imperceptiblement. Mais, relevant la canne en fin de lift, déception ! La mouche est emmêlée dans le bas de ligne et se trouve ridiculement suspendue en haut de la canne. D'un geste machinal, j'approche la main de la pointe du scion pour la libérer, quand, comme détaché par une main invisible, le booby glisse et tombe à l'eau. La canne en l'air, je reprends le contact, mais très bizarrement, le fil est accroché par le fond. Non, je ne suis pas pris dans une racine, le fil se déplace. Je relève mollement la bannière, en opposant une légère résistance. Un gardon peut-être. Mon cœur bat la chamade. Au comble de l'incrédulité, je tente de brider le poisson, car c'en est un !

Revenu de ma surprise, j'alerte Mario, qui toute affaire cessante, retire ses mouches de l'eau. Enjambant les cannes à mouche que nous avions négligemment étalées au bord de l'étang, il brandit la grande épuisette et s'apprête à la mettre à l'eau. Le combat n'est pas fulgurant, mais comprenant qu'il s'agit là du poisson synonyme de victoire, je le traite avec la plus grande mansuétude. La première tentative d'épuisetage échoue lamentablement, le poisson effectuant une volte-face imprévue. Ce qui ne manque pas de déclencher l'hilarité des compétiteurs environnants. Invectives auxquelles nous répondons allègrement par un « Yes ! » retentissant quand enfin la truite se trouve emmaillotée. Je rends la liberté à cette prise miraculeuse pendant que notre voisin contrôleur biffe notre feuille. Dans la minute qui suit, la corne sonne la fin des hostilités. Alors, dans un élan confraternel, Mario et moi, nous gratifions d'une belle accolade.

Une belle victoire et une mauvaise nouvelle

C'est ainsi que nous avons gagné la 18ème Coupe de la Haute-Loire ; d'une très courte tête, puisque nous avons cumulé 62 points-place contre 66 pour nos poursuivants. Et avec elle, la prime de cent euros alloués aux vainqueurs. Les bras encombrés de lots et du volumineux trophée sculpté, grands sourires et casquettes déportées, nous avons posé pour la postérité sous les applaudissements et les félicitations des amis pêcheurs.

Après le dernier galopin de bière, nous sommes partis en mode défilé, à grand renfort de coups de klaxon. Enfin, seuls dans la voiture, nous savourâmes pleinement notre réussite :

  • « Tu vois, Mario, je le pressentais, ce coup-là ! Nous avons passé une belle journée et nous avons remboursé l'inscription. Je te dois cinq euros.
  • Tu peux les garder.
  • Non, non, non, les bons comptes font… »

Un mois plus tard, alors que je pêchais du côté de Tence, Nicolas, le fils de Mario, m'a téléphoné. La gorge sèche et le timbre sourd, il m'annonçait le décès de son père, victime la veille au soir d'un infarctus foudroyant. Je me suis laissé glisser dans l'herbe froide et j'ai pleuré.

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