Souvenir de pêche / La Dunière à Laval : un bon tuyau pour la fermeture de la pêche de la truite

© Kizou Dumas

Les clubs de pêche à la mouche artificielle sont une des ressources pour apprendre les fondamentaux de cette technique pleine de finesses. L'esprit qui y règne est toujours très convivial et le mot d'ordre phare privilégie le partage des connaissances et l'entraide au sein du groupe d'adhérents. Avec parfois quelques entorses !

Un vent de renouveau au club de mouche

Depuis les années soixante-dix, les adhérents du CMS, Club mouche stéphanois, se réunissent tous les mercredis à l'amicale laïque du Crêt de Roc. Bien que leurs boîtes à mouches n'aient plus trop l'occasion de se vider, certains continuent à monter des mouches artificielles pendant que d'autres s'adonnent à des loisirs plus conventionnels, pétanque ou belote principalement.

Quand Aubin, jeune pêcheur sportif, entra dans la salle ce mercredi-là, juste avant la fermeture, un vent de renouveau souffla sur les tables. Aubin, au comble de l'excitation, fit état d'une belle partie de pêche récente sur un parcours qu'il venait de découvrir. Je relevais aussitôt l'information et proposais à l'assemblée présente une dernière sortie de pêche. « Et pourquoi pas sur ce parcours par exemple. Comme au bon vieux temps, ajoutai-je ». En effet, force était de constater que le grand âge venant, les membres du CMS semblaient plus inspirés les cartes en main qu'avec une canne à mouche. L'idée fut accueillie avec enthousiasme.

« C'est vrai, il faut qu'on se bouge ! On aura bien le temps de rester enfermé pendant les mauvais jours ! Parfait, on y va samedi ! Mais dis-nous, Aubin où est-il cet endroit magique ?

- Sur la Dunière, à Laval, exactement à l'aplomb du hameau des Chazalis ! »     

Bizarrement, à l'annonce du parcours, la ferveur retomba instantanément. Certains, ne voulant pas perdre la face, se souvinrent que ce jour-là, hélas, ils étaient invités à un repas de famille incontournable. D'autres prétextèrent des obligations et malheureusement, ils ne pourraient pas être de la partie. Surpris de ce subit changement d'attitude, je me retrouvai isolé pour cette ultime partie de pêche. Seul Fernand, jeune retraité mais récent adhérent, accepta de m'accompagner pour découvrir la Dunière.

Sortir des sentiers battus

Dès le lendemain, nous voilà partis, Fernand et moi en direction de Laval. Et pour corser cette dernière sortie de l'année, nous avons opté pour un itinéraire sortant des sentiers battus. Moins de fréquentations, plus de poissons ! Vieux dicton de pêcheurs !                             

Aussi, avons-nous garé notre automobile au hameau des Chazalis, sur la rive gauche de la Dunière, exactement en face de la chapelle St-Julien la Tourette bâtie sur la rive droite. Passée la dernière maison, commençait la descente en suivant le chemin forestier. La rivière coulait au fond d'une vallée resserrée et la pente semblait rude. Le sentier se perdit rapidement dans les fourrés. Restaient deux à trois cents mètres, mais très escarpés et fortement embroussaillés. Ce ne furent que glissades, accrochage, contournements ou passages étroits. A tel point que Fernand, se prenant le pied dans une racine, roula sans retenue dans les ronciers. Le visage ensanglanté, il s'essuya d'un revers de manche et ramassa tant bien que mal ses affaires dispersées. La canne avait survécu. Quid des waders ?  

Un parcours exceptionnel

Mais la rivière était là, enfin : large d'une quinzaine de mètres, bordures verdoyantes enchâssées dans la sapinière, lisses fuyants sous les berges creuses, courants bien dégagés autour des blocs massifs. Quel beau coup que celui-ci !  Canne, moulinet, mouche : le matériel fut monté en un rien de temps. Se retournant vers l'aval, Fernand explorait déjà la falaise contre laquelle se fracassait le flot. La falaise, un classique : première dérive, premier poisson. Puis les touches se succédèrent, Aubin ne nous avait pas menti : le parcours était exceptionnel. Ce fut une de ces journées qui vous rassasient, de celles qui vous réconcilient avec la pêche.                                                                                           

Le retour en fin d'après-midi fut moins alerte, vous vous en doutez. Nous avons longuement contemplé l'abrupt versant qui nous séparait du hameau. L'heure n'était plus aux glissades ou autres embardées, mais bien plutôt aux tractions et courtes échelles. Suant sang et eau, nous avons franchi les rochers et les escarpements à la force des poignets et des jarrets. Ce fut à mon tour de perdre pied. En escaladant un aplomb rocailleux, la dalle s'effrita. Le dernier geste voulut protéger la canne et je ne pus éviter un gros tronc séché : le bruit a retenti dans la forêt et je me retrouvai avec un œil poché et une belle bosse sur le front.

    

Le mercredi suivant à la permanence du Club mouche, tous s'inquiétèrent de nos mines tuméfiées. Fernand et moi sommes restés très évasifs :

« La fermeture à Laval ? Bof ! Quelques truitelles, vu le manque d'eau. En revanche, nous avons rempli deux paniers de mûres. Cela se voit. Non ?              

- C'est dommage pour la pêche, reprit Aubin. Vous êtes passés du côté de la chapelle de St-Julien ? L'accès est facile, n'est-ce pas ?                        

- Oui, oui, avons-nous répondu en chœur. »

Dix pêcheurs et dix chasseurs font vingt menteurs ! Le dicton aurait-il raison ?

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