Camper au bord d'une rivière
L'escapade était prévue depuis des semaines : partir en famille trois jours entiers pour camper au bord d'une rivière. Le rêve, quoi ! Nous étions prêts, seule la météo nous forçait à retarder sans cesse ces vacances tant attendues. Quand, enfin, tous les médias météorologiques le prédirent : une légère embellie était prévue au début de la semaine prochaine. Trois jours sans pluie ! En ce printemps pourri, quelle aubaine ! Il n'y avait pas une minute à perdre, départ lundi, direction Chanteuges sur les rives de l'Allier.
Vers onze heures, le camping-car traversa le pont de l'Allier sur la route départementale D 30, tout près de Saint-Arcons-d'Allier. Chercher un bel emplacement ensoleillé fut un jeu d'enfant : le terrain municipal dédié aux voyageurs amoureux de la nature est vaste et borde la rivière sur un bon kilomètre. Une belle initiative de la municipalité ! L'endroit était magnifique, juste au pied de l'ancien monastère bénédictin sur la rive gauche. Je n'avais qu'une hâte : sortir mes cannes à pêche, pour m'assurer que ce parcours que j'avais bien connu autrefois était toujours aussi prometteur !
Les courants étaient un peu tendus, un peu trop à mon goût, mais ça n'était pas une crue. Qu'importe, j'étais là pour pêcher et j'avais bien l'intention d'en profiter.
Faute de truites
Toutefois, je compris très vite que la partie n'était pas gagnée. J'avais du mal à m'aventurer dans le lit de la rivière, les cailloux étaient terriblement glissants. De fait, ma nymphe n'atteignait pas la veine de courant que je souhaitais prospecter. Il me fallait changer de technique. J'optais pour ma pêche préférée : trois mouches noyées et une canne plus puissante pour allonger au maximum mon lancer. Les touches ne se firent pas attendre. Malheureusement, ce n'étaient que des petites ablettes, rapides en diable à mordre l'hameçon. Je me décalais de quelques mètres et sondais une autre veine. Là, les touches furent plus franches et les prises sensiblement plus grosses. J'étais tombé sur un banc de vandoises. Pressentant que je devrais me contenter de ce menu fretin, je me résignais à garder quelques poissons parmi les plus dodus pour montrer à ma famille que j'étais encore capable de pêcher à la mouche. À mon retour, l'accueil familial fut mitigé. On me félicita poliment tout en m'invitant à laisser le produit de ma pêche dans mon panier à l'extérieur du camion. On les cuisinerait peut-être demain !
La soirée fut des plus agréables : elle se passa autour d'un feu de bois et faute de truites, nous dégustâmes de délicieuses côtelettes d'agneau cuites sur la braise. J'eus pourtant du mal à trouver le sommeil, la nuit s'annonçait agitée. Moi, qui jusque-là jouissais d'une réputation de pêcheur sportif, avais-je déjà trop vieilli pour espérer capturer des poissons plus nobles : truites ou ombres ? Serais-je désormais contraint de troquer ma canne à mouche contre une canne au poser, mes mouches artificielles contre des asticots et mes pantalons imperméables contre un siège pliant ? C'en était fait de ma réputation, j'étais un homme fini !
J'en étais là de mes funestes pensées quand un bruit suspect venant de l'extérieur m'incita à sortir de la cabine. La nuit était sombre et à première vue, je ne remarquai rien d'anormal. Tout semblait tranquille. Pieds nus dans l'herbe humide à scruter les ténèbres, j'eus soudain l'impression que quelque chose m'effleurait le bout des orteils. Instinctivement, je me reculai d'un bond. C'est alors que je vis sa belle tête de bandit masqué. Un raton laveur, petit voleur, venait de terminer son repas, en l'occurrence mes quelques vandoises, et s'apprêtait à me croquer le pied. Mais il repartit tranquillement vers son abri.
Je retournais me coucher, apaisé et heureux que mes modestes poissons aient fait le bonheur de ce gentil chapardeur. Remis de cet épisode, je dormis comme un loir !