Leurre silencieux !
Globalement, la ligne à tenir quand on s'attaque à des poissons craintifs ou éduqués, c'est d'utiliser des leurres moins bruyants, plus naturels, n'émettant pas trop de vibrations qui éveillent la méfiance des prédateurs.
On le sait les prédateurs sont réceptifs aux forts signaux vibratoires et visuels que peuvent émettre nos leurres.
Les carnassiers possèdent en effet un ensemble de moyens de réception d'information qui leur permet de localiser et d'attaquer leur proie précisément.
L'aspe fait en particulier appel à sa vue pour chasser et cibler ses proies. Dans le cas de prédateurs éduqués, ou du moins très sollicités, on remarque que les leurres émettant de trop forts stimuli n'attirent plus les prédateurs à lui, mais c'est l'effet inverse. Les carnassiers s'accoutument à des signaux trop forts, trop artificiels et les assimilent à un danger et n'attaquent plus ces imitations qu'ils ne considèrent plus comme une proie appétissante, mais comme un leurre et un piège justement.
Les sons émis par nos leurres, notamment le cliquetis des billes font partie des signaux (sonores) dont les poissons se méfient. Il faudra alors utiliser des leurres et poissons nageurs silencieux et bannir les signaux sonores trop violents.
Les billes sont à éviter pour la traque des poissons difficiles, surtout les billes aux sons aigus, de fortes fréquences, qui ne sont pas naturels et normaux dans l'eau.
Il faudra en rester à des signaux naturels. Les leurres contenant des billes en verre ou les petites billes métalliques sont à proscrire.
Couleurs et silhouettes naturelles
Outre l'aspect sonore, il faudra doser les signaux visuels.
Il s'agit de choisir des coloris réalistes, imitant les proies en présences. Dans le cas de l'aspe, il s'agira de leurre brillant, transparent couleur « poisson blanc » (ablette, petit chevaine…).
Les couleurs flashy, trop contrastantes sont à éviter surtout dans les eaux claires.
On gardera ces coloris dans les boites pour les utiliser si les eaux sont très troubles. Les leurres métalliques comme la cuillère tournante ou ondulante sont très bonnes, car silencieuses. La silhouette et la forme ne sont pas très réalistes, mais l'ensemble des signaux qu'elles émettent les rendent attrayantes et relativement naturelles.
Leur défaut est que ces leurres ne peuvent pas être ramenés rapidement. La tournante vrille trop et l'ondulante décroche. Ces derniers seront donc à réserver pour les dérives dans les forts courants, où ces leurres travailleront presque tout seul. La silhouette du leurre est aussi à prendre en considération.
Les poissons nageurs sont très imitatifs et possèdent beaucoup de détails. Les minnows et jerkbaits, à la silhouette pisciforme et hydrodynamique, ne déplacent pas un trop grand volume d'eau et imitent parfaitement les formes des proies convoitées par l'aspe. On pourra aussi habilement jouer la carte des lames et des casting jigs.
Ces leurres peu utilisés émettent de nombreux signaux sans bruit. Leur densité permet de lancer très loin et d'aller chercher les aspes au large, derrière une pile de pont par exemple.
Downsizing
Régulièrement, je vous parle du « downsizing ». Ce terme anglais, désigne littéralement la « baisse de taille » du leurre.
Il s'agit d'une approche japonaise qui permet de leurrer les poissons méfiants ou éduqués en abaissant la taille du leurre. Comme pour les leurres bruyants, les leurres trop volumineux émettent trop de vibrations ou de déplacement d'eau qui éveillent la méfiance des carnassiers.
Il peut être une clef de la pêche de ce poisson, notamment quand ceux-ci chassent les alevins en bordure. Au lieu d'utiliser des leurres de taille courante pour l'aspe (8 à 10 cm), on va utiliser des leurres de petite, voire de très petite taille (4 à 7 cm).
Cette approche m'a permis de prendre plusieurs aspes, là où d'autres pêcheurs n'avaient aucune touche. Comme à Angers, sur la Maine, où j'ai capturé plusieurs aspes au tiny fry 38. Un leurre minuscule de 38 mm seulement, mais qui avait la faveur de poisson de près de 60 cm.
Si on regarde bien, l'aspe chasse régulièrement dans les boules de petits alevins et lui proposer un micro leurre peut-être très pertinent. Il est nécessaire de bien choisir son leurre, car plus les leurres sont petits, plus ils ont tendance à décrocher et à saturer, surtout ramenés très rapidement.
On pourra se référer aux minnows et jerkbaits destinés à la base aux grosses truites pour faire son choix, ces leurres ayant étaient conçus pour nager parfaitement même dans les très forts courants. Il faudra aussi penser à remplacer les hameçons si ceux-ci sont trop fins, afin d'éviter que l'aspe ne les torde dès la touche.
Des hameçons simples forts de fer destinés, là encore, aux grosses truites peuvent être très pertinents.
Sous la surface
Enfin, dernière règle à savoir lorsqu'on s'attaque à la traque d'aspes méfiants ou difficiles, évitez les leurres de surface flottant.
Il est préférable d'utiliser des leurres de sub-surface, c'est-à-dire qui nagent juste sous la pellicule d'eau.
Encore une fois, on cherche à ce que les signaux émis par le leurre ne soient pas trop puissants. Dans ce dernier cas, il s'agit de ne pas trop agiter la surface de l'eau.
Qui plus est les poissons difficiles sont souvent perplexes quant à attaquer un leurre évoluant à la surface. Ils peuvent être attirés par leurre, le suivre, mais ne pas concrétiser par une attaque.
Les leurres de sub-surface s'offrent aux aspes qui le repèrent facilement, sans pour autant éveiller la méfiance de ces derniers. Dans la catégorie des leurres de sub-surface, on retrouve les lipless minnow, les sinking pencil ou les minnow à petite bavette, presque perpendiculaire au corps du leurre.
Ramenés rapidement canne basse, ces leurres feront mouche sur les aspes en maraudes, focalisés sur les ablettes qui évoluent très souvent proches de la surface.
Le casse-tête du matériel
Lorsqu'on utilisera des leurres silencieux et naturels, pas besoin d'un combo particulier pour s'attaquer à l'aspe.
Une canne de 2,10 m à 2,40 m de puissance M à MH permet de lancer loin et de venir à bout de gros poissons, même en plein courant.
Les cannes comme la The Artist S225MH Black Ops sont excellentes dans ce domaine. Le moulinet doit être de taille 2500 à 3000, avec un fort ratio de récupération, pour ramener le leurre rapidement.
Le frein doit être particulièrement bien réglé, car la touche est très violente et il n'est pas rare que certains se fassent casser dès la touche. Pour ma part, j'utilise un Shimano Stradic 3000 ou un Daiwa Caldia. Les deux sont garnis de tresse PE 0.8 ou PE 1 (15 à 17/100). Le choix de la tresse (par apport au nylon ou au fluorocarbone) est dicté par la nécessité de lancer loin. Le bas de ligne sera en fluorocarbone de 12 à 16 lbs.
J'utilise très souvent le 12 lbs (5,5kg), qui permet d'être plus discret et de ne pas brider la nage du leurre, en adéquation avec la pêche de poissons méfiants.
Pour les pêches en downsizing, l'emploi de leurre de petite taille et léger nécessite l'emploi d'un matériel plus léger. La canne aura une puissance de L à ML d'une longueur de 2 à 2,20 m.
Rappelons qu'il s'agit de leurrer les aspes en bordure, focalisés sur les alevins et non pas de combattre un monstre en plein courant à 40 m de la berge…
J'utilise pour ma part une Illex Pepper S2102ML Akoya Pearl dans cet exercice. Le moulinet sera de taille 2000 à 2500 à forts ratios, équipés d'une tresse fine en PE 0.6 (13/100). Le bas de ligne sera en fluorocarbone de 8 à 12 lbs, voire moins (6 lbs) si les poissons en présence ne sont pas trop gros (moins de 50 cm).
Outre la canne et le moulinet, il est grandement conseillé d'utiliser une épuisette assez large. Les fish grip (pince à poisson), elles aussi connues grâce à l'avènement du streetfishing, sont à bannir absolument et ne sont plus d'actualité. Utilisez une pince pour décrocher sereinement les hameçons. Pour le reste, une bonne paire de basket, des lunettes polarisantes et un appareil photo, et vous êtes parés pour en découdre.
Un poisson à découvrir et redécouvrir
L'aspe est un poisson formidable et spectaculaire. Que ce soit sur le Loire ou le Rhin, s'il est récalcitrant et peu mordeur, vous devriez réussir à tirer votre épingle du jeu en respectant ces quelques règles. Si ce n'est pas déjà fait, je vous invite à tenter de leurrer ce superbe poisson, un cyprinidé pas comme les autres mais tout aussi méfiant. Bien sûr, pensez à relâcher vos prises avec tout le respect qu'elles méritent.
