Connaissance du cycle de vie et migration saisonnière
Le brochet, comme tout poisson, a un cycle de vie bien particulier qu'il s'avère important de connaitre afin de savoir où, quand, comment et avec quel matériel, imitation/mouche pêcher.
En effet, tout au long de la saison, les brochets vont se déplacer ou migrer au sein même de leur milieu de vie, en fonction de la saison (température de l'eau) mais également pour suivre leur source de nourriture et bien sûr pour leur reproduction qui rappelons-le s'effectue sur des zones peu profondes (inondées) riches en végétation aquatique où les œufs (collants) seront déposés.
Après le fraie, qui se déroule en France généralement en février et mars avec bien entendu des variations dues au climat de chaque région (températures de l'eau), nos géniteurs vont partir en quête de nourriture et notamment de grosses proies pour se refaire une santé, ce qui les rend moins méfiants et plus faciles à capturer.
C'est également à cette période, post-fraie que de nombreux mâles subissent d'importantes blessures, voire se font engloutir par les femelles qui représentent toujours les plus gros sujets. Après une courte période où ils resteront près de leur lieu de reproduction, ils migreront progressivement vers des eaux plus chaudes souvent plus profondes, puis reviendront dans les baies plus tard lorsque celles-ci se seront réchauffées grâce au soleil printanier.
Au moment de l'ouverture de la deuxième catégorie, il faut rechercher des secteurs où la végétation aquatique est dense et développée car une bonne partie de nos adversaires y auront le gîte et le couvert, même s'il arrive fréquemment, notamment en lac, qu'ils affectionnent la couche d'eau où la température sera la plus agréable. Comme par hasard, là où se trouveront également gardons, rotengles, brèmes et autres poissons blanc, suivis des perches qui constituent un apport en nourriture important pour cette espèce.
Observez votre environnement et notamment en surface pour repérer des gobages de poissons fourrages, remous dans les bordures (fraie de cyprinidés) ou tout autre agitation. Si tel est le cas, les brochets ne devraient pas être très loin.

Le brochet se camoufle et se poste
Tôt le matin, en mai, les brochets se tiendront certainement dans des zones plus profondes aux températures plus élevées, qu'il faudra peigner en priorité. Dans l'après-midi, ils ne tarderont pas à monter, une fois l'eau réchauffée, sur les secteurs moins profonds et rentrer dans les baies puis bordures pour se nourrir. Les gros poissons auront toujours les meilleurs postes, et ce peu importe l'espèce.
Il faut donc bien connaitre son terrain de jeu et chercher les ruptures de pente, cassures, haut-fond, obstacles et autres postes qui se trouvent à la fois proches du poisson fourrage, et offrent un poste d'affut de qualité. En effet, le brochet poursuit rarement ses proies. Il se camoufle et se poste pour ensuite bondir sur sa cible. L'idéal est bien sûr de pêcher en bateau ou float tube, où le sondeur sera d'une aide précieuse pour localiser rapidement les postes et ces zones de vie où se concentre la nourriture. Il sera alors possible de prospecter les différents types de postes, profondeurs, et donc couvrir plus de terrain que du bord.
Recherchez les arrivées d'eau, qui bien souvent apportent nutriment donc nourriture pour les vifs, mais aussi zones ensoleillées une bonne partie de la journée qui seront légèrement plus chaudes. Si le temps est doux et stable, les conditions seront plus propices pour que nos prédateurs soient actifs et plus faciles à trouver. Toutefois, en début de saison, le moindre coup de froid peut retrancher les brochets dans des couches inférieures et souvent plus éloignées du bord.

Quelques semaines plus tard, quand les eaux se seront bien réchauffées, ils passeront un certain temps sur les bordures où le fraie des perches, suivi des cyprinidés concentrera leurs proies, puis, lorsque d'autres sources de nourriture feront leur apparition notamment les batraciens, rongeurs et toutes autres proies potentielles.
Tout au long de la saison, les brochets suivront leur garde-manger et chercheront la couche d'eau où la température sera la plus agréable (confort thermique). Ces déplacements journaliers se dérouleront tant que la température de l'eau sera très fluctuante d'une zone à l'autre avant d'atteindre un équilibre thermique. Il faudra donc suivre leur déplacement et s'adapter constamment pour être efficace et prendre régulièrement des brochets.

Un matériel adapté
Aujourd'hui, il est possible de trouver de nombreuses cannes mais surtout soies spécifiques qui nous permettent de couvrir toutes les situations et de lancer des mouches de plus en plus volumineuse et/ou lestées à une distance intéressante. Personnellement, j'utilise des cannes semi rapides de puissance 9 et 10 de type SAGE Payload, SAGE Maverick mais aussi la Redington Predator.
Pour être un pêcheur de brochet complet, il faut posséder au moins trois types de soies pour couvrir toutes les couches d'eau.
Selon le poste abordé, il est très important d'utiliser la soie adaptée notamment pour faire évoluer votre mouche à la bonne profondeur. La soie flottante sert principalement pour les pêches de fin de printemps, estivales et début d'automne, notamment en surface et sub-surface et dans les étangs peu profonds. Dans ce cas un bas de ligne fluorocarbone cassant en 40° terminé par votre pointe de 80 cm (acier, fluorocarbone ou titanium) le tout d'une longueur de canne sera parfait.
Une soie intermédiaire (avec un bas de ligne d'environ 2 m) couvrira plus de 60/70 % des situations que vous rencontrerez. Elle permet de pêcher sous la surface jusqu'à 1,50 m de fond voire plus si l'on ramène lentement ou réalise des pauses.
Les soies plongeantes sont nécessaires pour pêcher plus creux si vos postes sont profonds ou en rivières rapides et/ou profondes. Un bas de ligne de 80 cm à 1,5 m sera le plus souvent employé.
Lors d'une sortie de pêche, si les résultats se font attendre, il ne faut pas hésiter à changer de densité de soie, car la hauteur d'eau dans laquelle évolue votre mouche a une importance capitale.

Fluorocarbone, titanium ou acier ?
Sur ce point, les avis divergent. Chacun choisi selon ses préférences. Certains disent que le fluorocarbone n'est pas adapté et pas assez résistant sur les gros poissons (très utilisé par de très bons pêcheurs de gros brochets en Hollande), d'autres que le titanium est trop raide (très employé au US), ou encore que le bas de ligne acier garde de la mémoire et brille au soleil (majoritairement utilisé en France). Testez et faites votre choix. Tous fonctionnent et à mon goût doit être sélectionné en fonction des conditions, mouches, milieux.

Les mouches pour le brochet
La mode actuelle est de monter de grosses mouches (20/30 cm), voire tube fly à faire pâlir un brochet métré, nous venant des pays scandinaves, toutefois est-ce une nécessité ? Pêcher avec une grosse mouche doit être justifié. C'est souvent le cas en début de saison, notamment lors de la fraie des brèmes, et également en hiver pour intéresser les poissons qui cherchent de grosses proies en gaspillant le moins d'énergie.
Le choix de la mouche est donc crucial, tant en termes de profil, taille, couleur et choix des matériaux et doit être adapté au milieu dans lequel vous pêchez. Dans tous les cas, il sera judicieux de se rapprocher de la taille des proies du moment mais aussi de tenir compte de la couleur de l'eau, luminosité. Pour ce qui est de la couleur, il y a deux grandes tendances. Les mouches incitatives et donc « flashy » qui jouent sur l'agressivité des poissons et les imitations réalistes qui se rapprochent des proies rencontrées, donc aux couleurs naturelles.
Personnellement, je commence toujours par pêcher avec des couleurs souvent proche du gardon ou de la perche en employant des mouches de 15 cm environ, proies majoritaires dans la plupart de nos milieux. Sauf si l'eau est très froide ou sale et dans ce cas je privilégie une couleur flashy chartreux ou orange/jaune fluo. Si rien ne se passe, je monte de temps à autre des mouches de couleurs plus vives et agressives (rouge/blanc, fire-tiger, chartreux, rose,…) même en eau claire, ou parfois de taille plus imposante pour susciter une réaction.
Il est important de changer de mouches si les résultats ne sont pas au rendez-vous afin de trouver le « pattern » du moment ou du jour.

Trouver la bonne animation
L'animation de la mouche va ensuite entrer en jeu, car la couleur n'est pas toujours uniquement le facteur déclenchant. Il faut pour cela essayer tous les types de récupération possible pendant votre partie de pêche. Tentez l'animation linéaire lente (surtout par eau froide et/ou teintée), puis rapide à très rapide (rolly poly) pour déclencher une attaque réflexe, ou entre deux, ou encore aux récupérations entrecoupées de longues pauses, etc... Ceci dans le but de trouver ce qui plait aux brochets ce jour-là, voir à ce moment-là de la journée.
En début de saison, les températures encore froides nous inciterons à pêcher plutôt lentement assez proches du fond ou des obstacles, notamment le matin, en faisant des pauses. Plus l'eau se réchauffera au cours de la journée, plus les animations devront être rapides et/ou agressives pour déclencher la touche. Ce qui n'empêche pas de tenter tout et son contraire, ce qui peut être parfois payant. Il est déconseillé de garder la même mouche ou un type d'animation par ce que vous avez pris un brochet de cette façon, car durant la journée les facteurs extérieurs évoluent, comme la lumière, la température de l'eau, l'activité des poissons fourrages, donc le comportement de notre prédateur également.
Que ce soit au leurre ou à la mouche, c'est cette phase de recherches et de tests qui va vous apporter des réponses et qui va vous permettre de vous adapter et de réussir à capturer le plus grand nombre de poissons. Pour résumer, il faut encore et toujours s'adapter aux tenues et au régime alimentaire de notre partenaire de jeux qui fluctuent au fil des saisons. Variez la taille, coloris et la profondeur de nage de vos mouches en fonction des conditions du milieu (température, profondeur, couleur de l'eau, proies de la saison) et posez-vous constamment les bonnes questions concernant votre stratégie. Vous verrez cela fini par payer !